Éric Eigenmann, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Poursuivant la seconde tendance, repérable notamment chez Tchekhov, quelques auteurs de la seconde moitié du XXe siècle expérimentent la réplique flottante. Michel Vinaver en particulier juxtapose des fragments de conversations différentes, où les pronoms de la deuxième personne se révèlent en général un leurre puisqu'ils ne sauraient correspondre aux locuteurs voisins inscrits dans une autre situation d'énonciation. Dialogue de dialogues: le jeu dialectique connaît là un niveau supplémentaire.
Toutes les configurations intermédiaires sont envisageables, sinon réalisées. Mentionnons divers faux dialogues (dialogue déséquilibré avec un faire-valoir effacé, juxtaposition de répliques dépourvues d'échange dialectique, comme autant de monologues de sourds, etc.), et toutes les formes de choralité (duos, trios, quatuors aux voix convergentes et homogènes sur le plan thématique, syntaxique, stylistique...), où se fait entendre, plutôt que des individus, tantôt une collectivité tantôt la voix du poète, dont les intervenants semblent les simples relais:
LAETA
Maintenant c'est la nuit encore !FAUSTA
Maintenant pour un peu de temps, encore...LAETA
... Que tardive et que menacée...BEATA
C'est la dernière nuit avant l'Eté!Claudel, La Cantate à trois voix. Paris: Gallimard, 1931, pp.13-14.
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004