Éric Eigenmann, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Certes, ces principes sont toujours suivis de manières diverses. Ils le seront plus librement encore dans le dialogue dramatique en raison de son artificialité, puisqu'il est conçu pour être enchâssé dans la relation littéraire ou théâtrale, donnée à voir et à entendre à des tiers. Dispensée de répondre aux mêmes exigences d'efficacité, l'œuvre programme au contraire des accidents de communication, de manière à amorcer, nouer et relancer l'action langagière propre au texte de théâtre.
Pour livrer au lecteur/spectateur les informations nécessaires à la compréhension, les personnages dérogent au principe de quantité, notamment dans les scènes d'exposition du répertoire classique: après quelques vers seulement, nous connaissons du lieu de l'action, de l'identité et des motivations des protagonistes bien plus que nous n'aurions appris à surprendre une conversation dans la réalité. À l'inverse, le quiproquo (en latin, l'un pris pour l'autre
) tient à une information lacunaire, source de malentendu. J'aime quelqu'un [...]. Un pauvre garçon [...]
: dans la bouche de Roxane, pronoms sans références explicites et termes génériques équivoques permettent à Cyrano de croire un moment qu'il est aimé (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, II. 6). Le principe de qualité est évidemment violé par le mensonge, destiné en général à préserver un secret, mais l'usage de la parole offre bien d'autres occasions de dissimuler, volontairement ou non, et de se méprendre. Quant à la pertinence et à la clarté normalement requises, qu'il suffise d'observer comment le Théâtre de l'Absurde au XXe siècle, par exemple, les (mal)traite. Il en résulte, comme de la plupart des transgressions aux principes conversationnels, de nombreux effets comiques.
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004