Jean Kaempfer & Filippo Zanghi, © 2003
Section de Français – Université de Lausanne
Il convient de préciser que, malgré son appellation, la focalisation externe ne s'oppose pas, point par point, à la focalisation interne. Dans les deux cas, en effet, nous nous trouvons à l'intérieur de la diégèse [II.1.2]. La différence réside plutôt dans le fait qu'en focalisation externe, nous ne nous trouvons plus à l'intérieur d'une conscience, mais en un point de l'univers diégétique qui, même s'il peut le cas échéant être confondu avec un personnage, est étrangement démuni de toute aptitude psychologique. Ce foyer purement perceptif est privé de toute capacité d'interprétation des phénomènes qui lui parviennent. Aussi ces phénomènes - objets ou personnages - ne sont-ils décrits que sous leurs aspects extérieurs.
(6) Cairo se glissa derrière lui, passa le pistolet de sa main droite dans sa gauche et souleva le veston de Spade pour visiter la poche revolver. [...] Brusquement le coude s'abaissa. Cairo sauta en arrière, mais insuffisamment. Le talon droit de Spade, lourdement posé sur l'une des bottines vernies, le cloua sur place, tandis que son coude le frappait sous la pommette. Il bascula, mais le pied de Spade, posé sur le sien, le maintint en place.
D. Hammet, Le Faucon maltais
Le roman américain de l'entre-deux-guerres a fait un usage systématique de la focalisation externe. Tous les faits et gestes des protagonistes sont reproduits, mais sans que l'on puisse jamais pénétrer leurs pensées. Ajoutons que les auteurs réalistes recourent avec prédilection à la focalisation externe en ouverture. C'est le cas par exemple des incipit de La Peau de chagrin (Balzac) [5.1], de L'Éducation sentimentale (Flaubert), ou encore de Germinal (Zola).
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004