Cycle 2015-2016
Entrée libre
Programme Cycle de conférences 2015-2016
Consignes du Travail écrit du Cycle de conférences 2015-2016
Vous trouvez les enregistrements audio des conférences sur le site MEDIASERVER de l'Université de Genève.
Les lundis / entrée libre / 18h15 -20h / Uni Mail, 40 bd du Pont d'Arve 1205 Genève
Lu 23 mai 2016 à Uni Mail Salle R060
La bataille de la parité: socio-histoire des mobilisations pour la féminisation du pouvoir
En France, depuis le début des années 2000, la parité est devenue une manière banale de qualifier l’égalité des sexes: l’arithmétique du «50-50» s’est imposée comme étalon de mesure de l’égalité dans une variété de sphères sociales, au-delà du monde politique, et les quotas sont considérés comme des outils légitimes pour la réaliser.Pourtant, si l’on se replonge dans les débats et mobilisations des années 1990, on se rend compte à quel point cette manière de penser l’égalité était loin d’aller de soi: elle s’est heurtée à de solides obstacles et a donné lieu à une intense bataille. Comment une revendication défendue par une poignée de militantes, rejetée par l’écrasante majorité des élites politiques et intellectuelles, a-t-elle pu donner lieu, en quelques années, à une réforme institutionnelle d’envergure (loi dite « sur la parité »), et à une redéfinition durable de l’égalité? Ce sont les fils de cette énigme qui sont ici dénoués. Au-delà, cette recherche socio-historique offre un nouveau regard sur la dynamique des contestations collectives et du changement social. En s’appuyant sur le concept d’espace de la cause des femmes, l’ouvrage met à l’épreuve les oppositions routinières entre mobilisations élitistes et populaires, mouvements sociaux et institutions, progressisme et conservatisme.
Laure Bereni, chargée de recherche en sociologie CNRS, Centre Maurice Halbwachs-ENS, Paris
Laure Bereni est sociologue, chercheuse au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), membre du Centre Maurice Halbwachs à Paris. Elle enseigne à l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales et à Sciences Po Paris. Elle est spécialiste de sociologie du genre, des mouvements sociaux et des politiques anti-discriminatoires. Elle a notamment publié: Introduction aux études sur le genre (avec S. Chauvin, A. Jaunait et A. Revillard), de Boeck, 2012; Dictionnaire Genre & Science politique (co-dirigé avec C. Achin), Presses de Sciences Po, 2013; Le genre: théories et controverses (co-dirigé avec M. Trachman), PUF, 2014; La bataille de la parité. Mobilisations pour la féminisation du pouvoir, Economica, 2015.
Lu 11 avril 2016 à Uni Mail Salle R060
Le «socialisme réel» à l’épreuve du genre. Une alternative?
A travers le numéro 41 de la revue Clio. Femmes, Genre, Histoire, deux questions, intrinsèquement mêlées l’une à l’autre, sont au centre de cette conférence. La première s’intéresse à ce que le socialisme fait au genre. Nous nous interrogeons en effet sur la réalité et les limites de la reconfiguration des rapports de genre dans des pays différents mais dont les dirigeants communistes proclamaient tous avoir résolu la question des inégalités entre hommes et femmes par l’instauration du socialisme. Réciproquement, la perspective de genre interroge le socialisme réel. Elle permet, c’est notre hypothèse, de progresser dans la connaissance et la compréhension des sociétés et des régimes socialistes dans des pays aussi différents que Cuba, l’URSS, la Chine, la Mongolie ou l’Allemagne de l’Est.
Sandrine Kott est professeure d’histoire contemporaine de l’Europe à l’Université de Genève et chercheure associée au centre de recherches en sciences sociales, Marc Bloch (Berlin). Ses domaines de recherche principaux sont l’histoire sociale et culturelle des pratiques philanthropiques et de l’Etat social en France et en Allemagne, la socio-histoire des pays communistes et post-communistes RDA et Europe centrale. Elle travaille actuellement sur la circulation des savoirs et savoirs faire en matière de politique sociale dans l’espace européen durant la période de la Guerre froide à partir des archives des organisations internationales.
Françoise Thébaud est professeure émérite d’histoire contemporaine de l’Université d’Avignon et chercheuse associée à l’Institut des Études Genre de l’Université de Genève. Elle est également codirectrice de la revue Clio. Femmes, Genre, Histoire et membre de l’équipe Genre du groupe de recherche EHNE (Écrire une histoire nouvelle de l’Europe). Ses domaines de recherche sont, pour la France ou dans une perspective comparée et transnationale, l’histoire sociale et politique de la maternité ou des féminismes, l’histoire genrée des guerres (notamment la Grande Guerre), ainsi que l’épistémologie de l’histoire des femmes et du genre. Elle écrit actuellement la biographie de Marguerite Thibert (1886-1982), docteure ès lettres, pacifiste, féministe, socialiste, et experte du travail des femmes au Bureau international du travail à Genève.
Lu 14 mars 2016 à Uni Mail Salle R060
Eric Macé, professeur de sociologie à l’Université de Bordeaux et chercheur au Centre Emile Durkheim (CNRS UMR 5116)
Eric Macé est professeur de sociologie à l’Université de Bordeaux et chercheur au Centre Emile Durkheim. Formé à la sociologie de l’action par Alain Touraine, introducteur des Cultural Studies en France, il a pour objet les rapports sociaux de pouvoir dont il explore les expressions contemporaines dans les médiacultures, dans les rapports de genre et d’ethnicité, et plus récemment dans les guerres postcoloniales. Cette conférence est fondée sur l’argument de son dernier livre, L’après-patriarcat, Paris, Seuil, 2015.
La notion de patriarcat est-elle utile pour décrire et comprendre les rapports de genre contemporains dans le monde ?
« Si l’existence de la persistance d’inégalités, de discrimination et de violence de genre suffit à démontrer l’existence d’une domination masculine patriarcale (ou fratriarcale), alors le raisonnement est tautologique et ne permet pas d’expliquer les différences de trajectoires historiques et d’aspects contemporains des rapports de genre : parce qu’il y a des inégalités, il y a domination patriarcale, parce qu’il y a domination patriarcale, il y a des inégalités. Je propose plutôt de considérer le genre comme un rapport social comme un autre, c’est-à-dire un rapport social de pouvoir contingent dont l’historicité est le produit des tensions de ses logiques d’action et de ses cadres de l’action. En ce sens, on peut considérer que chaque type de société articule à sa manière les questions de sexe/genre/sexualité avec les formes d’organisation de la famille, du travail, du religieux, du politique, de la création culturelle…etc, en autant « d’arrangements de genre » que l’anthropologie, l’histoire et la sociologie nous donnent à observer. Si on adopte une définition conceptuelle du patriarcat comme un type d’arrangement de genre dans lequel la mise en asymétrie du masculin et du féminin est à la fois nécessaire et légitime, alors cela ouvre à d’autres combinatoires où cette mise en asymétrie n’est pas nécessaire et/ou pas légitime. De ce point de vue, on peut distinguer quatre types-idéaux d’arrangement de genre, recouvrant chacun des tensions et des déclinaisons locales spécifiques : d’un côté deux types historiques que sont les arrangements de genre patriarcaux traditionnels et modernes ; d’un autre côté deux types contemporains que sont les arrangements de genre postpatriarcaux et composites. En disposant d’une telle combinatoire, on devrait pouvoir mieux décrire et mieux comprendre les contradictions et les mouvements qui animent les rapports de genre contemporains partout dans le monde ».
Les lundis / entrée libre / 18h15 -20h / Uni Mail, 40 bd du Pont d'Arve 1205 Genève
Lu 7 décembre 2015 à Uni Mail Salle S130
Nicola Mai, professeur de Sociologie à l’Université Kingston London
Nicola Mai est sociologue et réalisateur, professeur de sociologie et études migratoires à l’Université Kingston London. Ses publications universitaires et ses films ont pour objet les expériences et perspectives des migrants qui travaillent dans l’industrie globalisée du sexe. A travers des ethnofictions expérimentales et des résultats de recherches inédites, Nicola Mai met en cause les politiques qui lisent forcément la migration liée au travail sexuel en termes de traite, tout en portant l’accent sur la complexité ambivalente des dynamiques d’exploitation et d’autonomie qui sont en jeu. Dans sa Sex Work Trilogy, il explore différentes expériences de rencontres entre la migration et l’industrie du sexe. «Etoile montante» du Fonds A*Midex 2013 pour le LAMES, et chercheur au LAMES en 2014-15, il réalise le projet Emborders, comparant l’impact des interventions humanitaires ciblant les migrants travailleurs sexuels et les minorités sexuelles en demande d’asile au Royaume-Uni (Londres) et en France (Marseille/Paris) – grâce à la réalisation de 100 entretiens semi-directifs et de deux films d’ethnofiction expérimentale.
Samira et Travel: explorer l’humanitarisme sexuel par le film ethnographique expérimental
Au cours des trente dernières années, les flux migratoires se sont accrus et diversifiés. Les politiques néolibérales ont inclu le genre et la sexualité parmi les critères d’éligibilité à la protection humanitaire, tout en restreignant l’accès aux marchés du travail dans le Nord. C’est pourquoi la protection humanitaire et le droit d’asile sont devenus des frontières stratégiques, donnant (ou refusant souvent) l’accès aux droits de l’homme et au marché du travail. Samira et Travel sont les deux volets du projet cinématographique et de recherche Emborders, qui questionne la façon dont les frontières humanitaires sont inscrites dans le corps et la subjectivité des migrants grâce à l’incorporation et l’internalisation de discours standardisés et européo-centrés de victimisation, de vulnérabilité et de caractérisation du genre / sexe. L’approche art-science du projet questionne les revendications d’authenticité, d’objectivité et de crédibilité qui sous-tendent à la fois l’action humanitaire et la recherche scientifique. Nicola Mai met en scène, avec des acteurs professionnels, des discours et des situations qu’il a recueillis au cours d’un long travail de terrain et d’analyse ethnographique. Il met ainsi en évidence les « différentes versions de soi », comment chacun adapte les discours et les attitudes face aux différents interlocuteurs qui sont impliqués dans la négociation des frontières humanitaires.
Lu 16 novembre 2015 à Uni Mail Salle S130
Delphine Gardey, professeure ordinaire en histoire contemporaine, Institut des Etudes genre, Faculté des sciences de la société, Université de Genève
Professeure ordinaire en histoire contemporaine et Directrice de l’Institut des Etudes genre (Faculté des Sciences de la Société, Université de Genève), Delphine Gardey travaille et publie depuis de nombreuses années sur l’histoire des femmes et du genre; les relations genre, techniques, travail; les questions du corps et de la biomédecine aux 19e et 20e siècles et dans le champ de la théorie féministe.
Son dernier ouvrage -- Le Linge du Palais-Bourbon. Corps, genre et matérialité du politique à l’ère démocratique, Le Bord de l’Eau, 2015 -- propose une lecture inédite d’une institution majeure dans l’histoire des démocraties occidentales : l’Assemblée Nationale.
Corps et genre du politique à l’ère démocratique.
L’Assemblée Nationale depuis la Révolution française
Comment la souveraineté populaire, le caractère universel de la promesse d’émancipation révolutionnaire (et ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité) s’est-il inscrit et écrit dans des murs, des dispositifs formels et matériels, des ordonnancements sociaux et de genre ? L’enquête sur les archives administratives ou «privées» du Palais-Bourbon permet de revisiter l’histoire des institutions démocratiques occidentales comme des espaces historiquement contingents et situés et d’explorer les mécanismes par lesquels ils produisent de l’universel en produisant de la différence et de l’altérité. Cette lecture anthropologique et matérielle offre une perspective nouvelle sur l’histoire longue et désormais bien
étudiée de l’exclusion des femmes de la démocratie dans le contexte français. Elle interroge ce qui constitue le «corps» de la souveraineté en démocratie et revient sur la culture «domestique» qui a longtemps régné à l’Assemblée Nationale empêchant les femmes autant de «représenter» que de «servir» l’institution. Et si le domestique du politique était aussi politique ?
Les lundis / entrée libre / 18h15 -20h / Uni Mail, 40 bd du Pont d'Arve 1205 Genève
Lu 12 octobre 2015 à Uni Mail Salle S130
Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité
Directrice du laboratoire «Unité Transversale de Recherche Psychogenèse et Psychopathologie» de l’Université Paris 13 SPC, Pascale Molinier est une spécialiste reconnue de la psychodynamique du travail et du travail du care. Ses travaux, dans lesquels elle privilégie une perspective de genre, ont notamment porté sur le travail industriel et sur le travail du care dans les secteurs de la psychiatrie et de la gériatrie, avec des coopérations au Brésil ou encore en Colombie. Pascale Molinier est auteure et co-éditrice de nombreux ouvrages tels que Les enjeux psychiques du travail. Introduction à la psychodynamique du travail (2006) ou El trabajo y la ética del cuidado (2011) (avec Luz Gabriela Arango
Gaviria).
Care et capitalisme émotionnel
Le capitalisme émotionnel est une proposition de la sociologue Arlie R. Hochschild pour thématiser la dimension mercantile du travail de care, en soulevant la question de savoir qu’est-ce qui peut se vendre ou s’acheter de la vie affective. La sociologue, en effet, met en évidence l’existence d’un désengagement vis-à-vis des personnes proches, voire des animaux domestiques, qui structure l’offre et la demande sur le marché du travail de care dans les sociétés néolibérales. Toutefois, les émotions sont-elles une marchandise comme les autres ? D’un côté, il existe un façonnage des émotions à des fins stratégiques dans les activités de service (commerce, hôtellerie, call centers….) où les relations sont souvent marquées par l’inauthenticité, voire la duplicité ; mais d’un autre côté, l’analyse du travail de care auprès des personnes âgées montre la création de relations plus épaisses qui permettent de pointer aussi les limites du concept d’émotion ou de travail émotionnel pour en rendre compte.