Au Proche-Orient, le mégalithisme est né d’une forme ancienne de monumentalisme apparue dans le sud de l’Anatolie, à Göbekli Tepe, dès le IXe millénaire av. J.-C. Cette architecture, destinée à accueillir des rites funéraires ou commémoratifs, se développe dans le Levant et en Arabie à la fin du Chalcolithique et au début du Bronze ancien (IVe - IIIe millénaires av. J.-C.).
Les constructions funéraires (dolmens, tombes tours, tumuli) sont des structures monumentales en élévation, formées d’une chambre construite avec des dalles ou des murs en pierre sèche. Les menhirs – des monuments commémoratifs – sont des monolithes isolés ou alignés. On retrouve ces monuments par milliers en Turquie, en Syrie, au Liban, en Jordanie, en Israël, dans les Territoires contestés, dans le Sinaï en Égypte et dans toute l’Arabie.
Carte de répartition du mégalithisme au Proche-Orient.
Le mégalithisme est aussi associé à une architecture domestique avec des maisons rectangulaires ou à double abside qui impliquent la manipulation de très grands blocs. On en trouve au Liban à Menjez, dans le sud de la Syrie à Qarassa et à Sharaya et au nord de la Jordanie à Jebel Mutawwaq. La plupart de ces maisons mégalithiques forment des hameaux ou des gros villages et sont associées à des nécropoles de tombes mégalithiques. Leur installation est liée à la présence de ressources exploitables (zones arboricoles et de pâturage, mines de silex, de lapis lazuli ou de sel) mais aussi à l’accès à de grandes dalles pour la construction des tombeaux et parfois des habitats. Les sociétés à mégalithes profitent de ces ressources pour s’enrichir en les échangeant avec les cités-États, de petits royaumes indépendants.
Dans les années 1940, les pères jésuites ont découvert une centaine de monuments mégalithiques dans plusieurs villages du Akkar qui en ont conservé des vestiges. Les monuments restants – en excellent état de conservation – sont construits à l’aide de gros blocs de basalte, abondants dans cette partie du Liban.
À Menjez, les chambres sont circulaires, semi-circulaires ou quadrangulaires, avec un système de couverture en encorbellement. Certains monuments sont entourés par un enclos funéraire. Leur disposition topographique est sur un replat, une pente ou une rupture de pente. Dans les tombes mégalithiques levantines, les défunts étaient déposés directement contre le sol, sans préparation particulière, accompagnés de bijoux, d’objets précieux et d’offrandes.
Le mobilier archéologique associé aux mégalithes de Menjez provient essentiellement des fouilles effectuées par le père Tallon dès la fin des années 1950 et ce jusqu’en 1969. La céramique constitue la grande majorité du mobilier. Elle témoigne d’une phase de construction des dolmens qui a commencé à la fin du Chalcolithique (4500-3500 av. J.-C.) et au début du Bronze ancien I (3500-3100 av J.-C.). Puis ce phénomène s’essouffle au Bronze ancien III (2700-2500 av J.-C.), comme dans la plupart des nécropoles du Proche-Orient. Les tombes ont été largement réoccupées au Bronze moyen et à la période romaine. Très fragmentée, cette vaisselle en terre cuite modelée est constituée de récipients culinaires de petites dimensions (coupes, bols, plats, petits vases de stockage, etc.), comme d’ordinaire en milieu funéraire. Quelques tombes ont livré des parures comme des bracelets en obsidienne, mais surtout des perles de roches diverses, parfois de provenance lointaine (cornaline, jaspe rouge, cristal de roche, stéatite, etc.), des sceaux-cylindres, des cachets et du matériel lithique.
Dans le dolmen de Kroum Metowmeh, à Menjez, les bâtisseurs ont soigneusement disposé en face du couloir qui mène à la chambre, un bloc orné d’un épais serpent dont la tête plonge vers le sol. Une fissure naturelle de la roche évoque la langue du serpent. À l’extérieur de ce dolmen, au sol, c’est un pictogramme de serpent lové qui a été dessiné sur une pierre. Pour l’édifice allongé de Qana Maabour, le même scénario de serpents en bas-relief sur des dalles plantées se répète, de même que dans le mur externe de l’édifice se trouve un bloc avec un serpent lové, surmonté d’une ligne ondulante qui schématise un serpent. Les hommes et les femmes de Menjez vouaient une attention toute particulière à cet animal. Si on peut y voir un symbole protecteur pour les défunts, c’est aussi l’image de la transformation, du passage entre le monde extérieur et le monde souterrain.