Exposition virtuelle
Le beau, le noble et le vainqueur. Monnaies équestres dans l'Antiquité

Le vainqueur (2e partie)


 

Une pièce phare
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10. Chevaux, chars et cavaliers dans le monde celte

Les assiégés, après avoir donné bien du mal à César, et en avoir souffert eux-mêmes, finirent par se rendre. Vercingétorix, qui avait été l’âme de cette guerre, s’étant couvert de ses plus belles armes, sortit de la ville sur un cheval magnifiquement paré ; et après l’avoir fait caracoler autour de César, qui était assis sur son tribunal, il mit pied à terre, se dépouilla de toutes ses armes, et alla s’asseoir aux pieds du général romain, où il se tint dans le plus grand silence.
Plutarque, Vie de César, 27, 8-10

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  • La civilisation celtique, dont les origines remontent à la culture de Hallstatt, en Europe centrale, connaît son essor lors de la période de La Tène ou second Âge du fer (450-25 av. J.-C.) pour englober le territoire de la France actuelle, les Alpes et l’Italie du Nord, les bassins du Rhin et du Danube, les îles britanniques, une bonne partie de la péninsule ibérique et même une petite enclave en Asie mineure. À partir de la définition donnée par Jules César au début de ses Commentaires, les Celtes les plus célèbres étaient ceux qui habitaient en Gaule, présentant une certaine unité culturelle bien que composés de différents ensembles ethniques comme les Helvètes, les Arvernes ou les Allobroges. Ces derniers, dont le nom veut dire « ceux venus d’ailleurs », étaient un peuple important, réputé pour ses guerriers ; leur territoire s’étendait de Valence et Lyon jusqu’à Genève et la Savoie.

    Le cheval est très souvent représenté sur les monnaies celtes, que ce soit libre, monté ou attelé. Si les plus anciennes émissions reprennent les types des statères au bige et des tétradrachmes au jockey de Philippe II de Macédoine, il ne s’agit pas, loin de là, de reproductions fidèles : l’art monétaire celte se caractérise par son goût pour des formes stylisées, voire abstraites, d’une grande modernité (Fig. 40). Le choix de ces types n’est d’ailleurs pas sans raison : souvent accompagné de l’esse et du triscèle, deux motifs renvoyant au soleil, le cheval revêt chez les Celtes une symbolique religieuse rattachée à une divinité solaire.


  • Les quinaires frappés par les Allobroges s’inspirent quant à eux des deniers romains aux Dioscures : au revers, ce ne sont plus deux, mais un seul cavalier qui brandit sa lance au galop, tandis qu’à l’avers, le portrait casqué de la déesse Roma est-il adapté pour représenter le chef du peuple, aux initiales BR (Fig. 41) ? L’image du cheval monté est ainsi détournée par le pouvoir politique pour démontrer sa puissance militaire et pour se rattacher au monde divin en rappelant sa symbolique initiale.

  • De nos jours, le chef gaulois le mieux connu est certainement Vercingétorix, premier héros national de la France : devenu roi des Arvernes en 53 av. J.-C., il réussit à unir plusieurs peuples sous sa bannière dans une insurrection contre l’envahisseur romain ; malgré quelques succès initiaux, la grande coalition gauloise est finalement défaite par César à Alesia une année plus tard. Vercingétorix se livre alors au vainqueur, dans une scène immortalisée par Plutarque dont on relèvera la gestuelle équestre, et il est conduit à Rome où il reste captif six ans avant d’être exécuté à l’occasion du triomphe de César.

    On connaît des statères d’or frappés par Vercingétorix à l’époque de la révolte portant un cheval au revers ; la tête nue et imberbe de l’avers évoque à première vue Apollon, mais la légende VER placée en dessous invite à penser qu’il s’agit du portrait idéalisé du jeune roi arverne, assimilé à cette divinité (Fig. 42). On est aussi tenté d’identifier Vercingétorix avec le guerrier gaulois figurant sur l’avers d’un denier romain émis pour commémorer les victoires de César (Fig. 43) : son visage émacié, sa moustache, sa barbiche et ses longues mèches désordonnées contrastent avec le visage glabre et juvénile du statère arverne. Ce n’est pas pour rien que Florus décrit Vercingétorix comme « un chef terrifiant par sa taille, par ses armes et par son courage, et dont le nom même semblait fait pour engendrer l’épouvante ». Il s’agissait pour les Romains de transmettre une image féroce et redoutable de l’ennemi vaincu, peu importe que cette image ne corresponde guère à la réalité : c’est ainsi que l’on explique la présence sur ce même denier de guerriers nus montant un char de guerre, alors que César lui-même admet que cette forme de combat avait été depuis longtemps abandonnée par les Gaulois.