Les Humanités numériques : un nouveau paradigme pour l'éducation des adultes ?
Le laboratoire RIFT a le plaisir de vous convier à participer à sa prochaine conférence publique
Les Humanités numériques : un nouveau paradigme pour l'éducation des adultes ?
Germain Poizat, équipe CRAFT, Université de Genève
Mardi 15 décembre 2015 - 17h30 - Uni Mail - salle 1150
Résumé
Ce qui est parfois dénommé « tournant numérique » présente des caractéristiques qui impactent frontalement l’éducation : saturation du monde social par les technologies numériques, contexte de choc technologique permanent, mise « à portée de main » du savoir, gigantisme des banques de données, interactivité, structuration en réseaux, immédiateté des échanges, virtualité, ubiquité… Cette invasion de notre quotidien par les technologies numériques s’accompagne d’une mutation globale des savoirs sous toutes leurs formes, qui soulève des questions épistémologiques ardues.
Nous proposons une réflexion relative aux rapports entre éducation et technologies numériques en la situant dans le courant des Humanités numériques (digital humanities). Ce courant, qui a marqué l’entrée des sciences humaines et sociales (SHS) dans l’ère du numérique, consiste en une transdiscipline, porteuse des méthodes, des dispositifs et des perspectives heuristiques liés au numérique dans le domaine des SHS (e.g., développement de logiciels libres, big data…). Elle contribue notamment à façonner de nouvelles formes de production et de dissémination des savoirs, à l’intérieur, entre et au delà des disciplines universitaires (e.g., livre augmenté, plateforme numérique dédiée aux controverses). Ce domaine scientifique est constitué a) de recherches mobilisant structurellement des technologies numériques, b) de modèles épistémologiques qui relèvent du concept d’e-science et c) de pratiques de diffusion des résultats scientifiques qui tirent profit de la communication en réseau. De plus, ce courant s’intéresse aux effets du numérique sur l’homme et la société et tente d’en comprendre les enjeux (Stiegler, 2014). L’ambivalence originaire des technologies numériques est notamment débattue: elles assurent la poursuite du processus de développement humain comme extériorisation (Leroi Gourhan, 1964), mais ce-faisant elles peuvent contribuer à « désindividuer » l’homme et accentuer les processus sociaux de prolétarisation des savoirs, notamment par leur extériorisation systématique et leur appropriation hégémonique par la sphère économique et industrielle.
Notre conviction est que l’ensemble de la communauté des “travailleurs du savoir” (incluant donc les formateurs) devrait être amenée à rejoindre ce courant des Humanités numériques pour travailler sur des thématiques et des projets communs. Certains domaines d’action et thèmes de réflexion sont d’ailleurs déjà réinvestissables par la communauté éducative au service notamment d’une éducation tout au long de la vie, comme par exemple la circulation/diffusion des savoirs, la prise en compte du numérique comme « environnement de travail généralisé », ou encore la littératie numérique.
Notre objectif au cours de cette conférence, est de présenter ce que révèle le mouvement des humanités numériques et de repérer quelques convergences saillantes entre humanités numériques et éducation. Trois éléments seront ensuite discutés : a) la « re-matérialisation » des questions éducatives à travers la problématique du numérique, b) le définition du rôle du formateur à l’ère du digital, c) la « reconceptualisation » possible de l’éducation tout au long de la vie. Nous verrons enfin, que tout ceci interroge quant à l’opportunité de basculer vers une économie de la contribution, susceptible de mettre fin ou d’entraver la prolétarisation des savoirs, qui nous semble de moins en moins soutenable, y compris dans les dispositifs à visée de formation professionnelle.
Présentation du conférencier
Germain Poizat est maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Genève dans le domaine « Travail, Formation, et Apprentissage ». Il s’intéresse au lien entre travail et formation, et plus généralement aux rapports entre transformations des pratiques sociales et de la formation, selon une approche centrée sur l’analyse de l’activité. Inscrites dans le champ de la formation des adultes, ses recherches poursuivent une double visée épistémique et transformative concrétisée par la conception de situations de formation.
23 novembre 20152015