27 juin 2024 - Alexandra Charvet

 

Événements

Une exposition embarque le public pour un voyage en chanson

Dédiée aux chansons qui parlent d’un lieu, d’une ville ou d’un ailleurs, l’exposition «Voyage enchanté» porte un regard critique sur les airs de la culture populaire qui façonnent nos imaginaires et la manière dont nous appréhendons le monde.

 

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Image: J. Benovsky/UNIGE


Paris et Édith Piaf, Lisbonne et le fado, Liverpool et les Beatles… On ne compte pas les endroits qu’une ritournelle a rendus célèbres et imprégnés de sens. En le chargeant d’émotions, les chansons participent à l’enchantement du monde et nous font voyager, tantôt dans des lieux réels (une ville, un quartier, un pays…), tantôt dans des lieux imaginaires (le paradis), tantôt dans des lieux génériques (l’île, le lac, la rue…). Ces liens qui existent entre titres populaires et lieux sont passés au crible des géographes dans l’exposition Voyage enchanté, à découvrir jusqu’au 28 juillet à la Salle d’exposition de l’UNIGE au 66, bd Carl-Vogt.


«Les chansons sont des objets d’étude pour les géographes parce que certains tubes renvoient précisément à des lieux, mais aussi parce qu’elles véhiculent des émotions auxquelles les géographes s’intéressent de plus en plus», explique Nicolas Leresche, collaborateur scientifique au Département de géographie et environnement (sciences de la société) et commissaire de l’exposition avec Jean-François Staszak. L’exposition propose un voyage en cinq étapes au cours duquel les visiteurs et visiteuses reconnaîtront probablement des titres qu’ils et elles aiment écouter, comprendront ce que ceux-ci signifient pour d’autres, découvriront de nouveaux endroits et verront peut-être leur apparaître ceux qu’ils connaissent sous un autre angle. Des dispositifs scénographiques originaux tels qu’une Fiat 500, un studio-jukebox ou un cinéma miniature invitent le public à embarquer pour ce périple sentimental à travers 174 titres de musique populaire.

 

Ouvrages collectifs

Pour prendre vie, l’exposition s’est inspirée de trois ouvrages – Monde enchanté, 2021; Villes enchantées, 2022; Voyage enchanté, 2024 –, fruits d’un projet collectif mené au Département à propos des liens entre lieux, chansons et émotions. Des géographes, mais aussi des historien-nes et des sociologues ont été invité-es à partager les raisons de leur attachement à certaines chansons ou à détailler leurs dimensions géographiques. Souvent critiques, ces textes, édités par les scientifiques Jean-François Staszak et Raphaël Pieroni, permettent de comprendre comment les chansons participent à la production des identités et des imaginaires géographiques. «Nous nous sommes concentrés sur des chansons qui ont transformé notre rapport au lieu dont elles parlent, détaille Jean-François Staszak. Peu d’entre nous se sont par exemple rendus à Vancouver, mais nous avons toutes et tous entendu la chanson de Véronique Sanson et c’est probablement la seule image que nous avons de cette ville. Certaines chansons ont phagocyté l’imaginaire de quelques centres urbains.»

 

Effet performatif

Ainsi, une chanson peut contribuer à la célébrité d’un lieu, comme Penny Lane des Beatles, cette banale rue de Liverpool où Paul Mc Cartney a passé son enfance. «Cet endroit, qui n’avait pas grand-chose à offrir en termes touristiques, est maintenant patrimonialisé, note Nicolas Leresche. Ce hit évoque aussi indirectement une histoire plus sombre puisque le dénommé James Penny, habitant de Liverpool qui a donné son nom à la voie, s’est enrichi grâce à l’esclavage. Après débat pour savoir que faire de cet héritage, les autorités de la ville ont décidé de ne pas débaptiser la rue en raison des revenus touristiques qu’elle engendre.» Les chansons contribuent aussi à l’expérience des lieux, comme Nathalie de Gilbert Bécaud en 1964 et son café Pouchkine qui n’existait pas. «Le café a été créé en 1999 pour accueillir les nombreux touristes qui rêvaient de croiser Nathalie et de l’avoir pour guide sur la place Rouge, raconte Nicolas Leresche. Les chansons sont en effet performatives, elles font advenir des choses et en font parfois exister certaines qui relèvent de l’imaginaire.»

Un second volet de l’exposition Amsterdam, Bamako, Genève… mais qui connaît la chanson? est par ailleurs à découvrir aux Bains des Pâquis jusqu’au 7 juillet, accompagné d’un jeu en ligne, développé en collaboration avec la HEAD – Genève, qui propose de deviner, grâce à des illustrations et des indices, les lieux réels ou fictifs qui font l’objet de chansons.

 

Pour en savoir plus
«Chanter les villes», LeJournal de l'UNIGE, 23 mars 2023
«Le monde est une chanson», LeJournal de l'UNIGE, 24 février 2022

VOYAGE ENCHANTÉ

Exposition
Vendredis 5 et 12 juillet, 16h–19h: visite guidée performative (Camille Lacroix) suivie d’un karaoké (Amal Alpha)

Jusqu’au 28 juillet | Salle d’exposition de l’UNIGE, 66, bd Carl-Vogt


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