Hommages 2024

Dominique Jaillard

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Professeur ordinaire
Unité d'histoire et anthropologie des religions
Faculté des lettres

 

Né à Paris en 1961, Dominique Jaillard s’est intéressé très tôt à la pensée grecque. Formé en histoire et en philosophie à la Sorbonne, agrégé de philosophie (1991), il prépare une thèse à l’École pratique des hautes études (EPHE), sous la direction de l’helléniste Marcel Detienne. Simultanément, il enseigne la philosophie dans divers lycées de France (1991-1996) ainsi qu’à Rome (1996-2001). Il donne un séminaire à l’Université de Genève en 2003-2004, dans le cadre d’un DEA dirigé par Philippe Borgeaud, professeur de l’UNIGE, sur les «États modifiés de conscience». Il ne va dès lors plus vraiment quitter la Suisse, enseignant à l’Université de Lausanne (2004-2014), comme MER à la section de Grec, où il est chargé des cours de polythéismes antiques et de tradition classique, ainsi qu’à l’EPFL, dans le cadre du programme SHS Méditerranée «Mythes et grands textes fondateurs». Depuis février 2014, il a été titulaire de la chaire d’histoire des religions antiques à l’Université de Genève, chaire dont il amène la modification du titre, désormais intitulée Unité d’histoire et anthropologie des religions, conformément à ses visées méthodologiques, ouvertes sur le comparatisme et l’anthropologie comparée des mondes antiques et modernes, dans la lignée de l’esprit animant, à Paris, le centre Anhima (anthropologie et histoires des mondes antiques), avec lequel il entretient des relations suivies.

De sa thèse à l’EPHE est issu son livre Configurations d’Hermès. Une théogonie hermaïque, Liège, CIERGA, 2007, 292 p. (Kernos Supplément 17), étude fondamentale sur une figure complexe du panthéon grecque. Ses nombreux travaux publiés dans des revues spécialisées concernent notamment la question du sacrifice et du rituel. Admirateur des travaux de Jean Rudhardt, premier titulaire de la chaire genevoise d’histoire des religions jusqu’en 1987 et maître direct de son prédécesseur Philippe Borgeaud, Dominique Jaillard partage avec ce dernier une vision méthodologique de l'apprentissage de l'histoire des religions qui repose sur la connaissance des langues anciennes, le comparatisme anthropologique et la finesse d’analyse.

Très engagé dans ses enseignements, Dominique Jaillard avait conçu un programme en histoire des religions ouvert sur la diversité et sur le vaste champ de l’anthropologie. Ainsi, mobilisant un riche carnet d’adresses, il attire à Genève pour des séminaires passionnants et très appréciés des étudiant-es, non seulement des hellénistes, mais aussi des sanscritistes comme Charles Malamoud (EPHE), des africanistes comme Stéphane Dugast, des sinologues comme Aurélie Névot (EHESS), des américanistes comme Perig Pitrou (CNRS) ainsi que Florence Dupont, qui a obtenu le titre de doctorat honoris causa de l’UNIGE en 2019. Parmi les nombreux sujets sur lesquels il travaillait, on soulignera notamment son intérêt pour les pratiques extatiques, divinatoires et sacrificielles. Très actif dans l’édition, il publie des études sur des thèmes comparatifs: Sacrifier en Grèce ailleurs (avec Cléo Carastro, 2022) ou Agalma (avec Stephan Dugast et Ivonne Manfrini, 2021). Récemment, il coédite avec sa doctorante Anne-Angèle Fuchs un ouvrage inédit de son ami l’helléniste Jean-Louis Durand (Les mythes grecs, 2023), qui l’avait entraîné sur les chemins de l’Afrique, continent qui le fascinait. Parallèlement, il se consacre pleinement à la vie universitaire, dirigeant la Maison de l’Histoire, étant membre de l’Assemblée de l’Université et aussi vice-président de la Société d’histoire des religions de Genève.

Dominique Jaillard était grandement apprécié tant par ses collègues que par ses étudiant-es, qu’il suivait avec attention et bienveillance. Cruellement frappé par une maladie découverte bien trop tard, Dominique Jaillard n’aura pas eu le temps de terminer les nombreux travaux qu’il avait en cours sur la religion grecque, en particulier une monographie comparatiste portant sur les rites possessionnels. Il n’aimait rien plus que les rivages ensoleillés de la Grèce, ou les chaleurs de l’Egypte qu’il connaissait bien également. Sa culture personnelle dans les religions de la Méditerranée ancienne et au-delà était immense, et sa grande ouverture d’esprit lui permettait de comprendre et de suivre les enjeux les plus contemporains de l’anthropologie comparée. Parti bien trop tôt, Dominique Jaillard laisse un grand vide, tant pour sa famille, son épouse Isabelle, sa fille Lavinia, que pour ses ami-es, collègues et étudiant-es.  

N. Meylan, Fr. Prescendi et Y. Volokhine.
Unité d’histoire et anthropologie des religions