tiré du numéro : 13
date : 01/09/2007
auteur : Gilles Frigoli
résumé de l'article : Ordre moral, ordre local: la soupçon comme réponse à la vulnérabilité sociale
La distinction entre « bons » et « mauvais » pauvres, entre « bons » et « mauvais » immigrés, tend à (re)devenir depuis quelques années en France un élément structurant des politiques sociales et des politiques liées à l’immigration. Le soupçon qui pèse dans ce contexte sur les personnes vulnérables peut s’appréhender en tant qu’attitude morale adoptée par des élites politiques soucieuses de valoriser la responsabilité individuelle, le travail et le mérite. Mais le soupçon est aussi une pratique qui, dans le temps de la construction de l’action publique, se déploie au travers de compétences, de procédures, d’instruments, de méthodes, censés permettre de séparer objectivement le bon grain de l’ivraie. Or, à la lumière de travaux d’enquête portant sur deux domaines particulièrement exposés à cette logique du soupçon, l’action sociale d’urgence et la demande d’asile, on mesure le poids des contingences qui interviennent dans les pratiques des organisations (organismes sociaux, associations) et des acteurs (travailleurs sociaux, agents administratifs) qui se voient ainsi constitués en « agents de tri » au service d’un ordre moral et d’une justice locale.