tiré du numéro : 13 
date : 01/09/2007 
auteur : Frédéric Deshusses

résumé de l'article : Dénonciation des abus et réforme administrative (Genève, 1934-1939): publication de documents

Dans son ouvrage sur « l’invention » du chômeur au XIXe siècle, Christian Topalov (1994: 240) écrit que « la première condition de l’invention du chômeur est […] la désignation de son contraire ». C’est résumer en une formule lapidaire l’idée selon laquelle le chômage est le produit d’une construction sociale et historique dont l’effet est d’imposer une distinction entre d’une part des individus qui subiraient des phénomènes dont ils ne sont pas à l’origine et d’autre part des individus qui doivent leur situation à leur propre comportement. La formule de Topalov souligne le rôle potentiel de l’abus dans la lutte pour l’imposition des catégories légitimes (indemnisables) des « sans travail ». Le contraire du chômeur, en effet, c’est celui qui ne mérite pas l’indemnité, celui qui abuse. Avec la désignation du contraire du chômeur, de l’abuseur, des distinctions qui devraient apparaître comme purement arbitraires trouvent une justification dans un discours moral sur l’abus et dans un discours technique sur les moyens administratifs permettant de mettre en oeuvre le classement entre les « sans travail » indemnisables et les autres. Bref, l’approche historique critique vient rappeler que, s’il faut mettre en place la gestion administrative des chômeurs, c’est moins pour mettre un terme au chômage que pour trier les individus indemnisables des autres. Si le travail de Topalov porte sur un processus qui se développe à l’échelle d’un Etat, certains travaux ont montré que son approche était applicable à des configurations locales. Ainsi Bernard Degen (1995) a dressé l’histoire de l’organisation des secours aux chômeurs à Bâle au début du XXe siècle. Plus récemment, Noël Witheside (2007) présentait une étude comparative de la constitution de la catégorie « chômeur » dans deux villes européennes, Strasbourg et Liverpool.

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