tiré du numéro : 4
date : 01/12/2002
auteur : Frédéric Joye
résumé de l'article : Sortir de la logique du 'parent pauvre'? Les sciences humaines et les débuts de la politique de la recherche en Suisse (1930-1950)
Sortir de la logique du ‘parent pauvre’? Les sciences humaines et les débuts de la politique de la recherche en Suisse (1930-1950) Les années 1930-1950 constituent une période importante pour les débuts de la politique de la recherche en Suisse. Tandis que la Confédération prend les premières mesures de soutien à la recherche scientifique dans le cadre de la politique de création de possibilités de travail (politique de lutte contre le chômage), la communauté scientifique se rassemble autour d’un projet de Fonds national, qui voit le jour en 1952. Ce double mouvement véhicule différents discours destinés à légitimer l’engagement de l’Etat fédéral pour la recherche scientifique : face à la conception d’une recherche essentiellement soumise à un utilitarisme qui entraîne une forte hiérarchisation au sein des disciplines scientifiques, les partisans du soutien à la recherche fondamentale se mobilisent pour faire valoir la pertinence de leurs arguments. Ce contexte de mobilisation nationale implique notamment de créer des réseaux institutionnels qui dépassent le cadre alors uniquement cantonal des universités. Suivant l’exemple des sciences médicales, qui se dotent en 1943 d’une Académie suisse des sciences médicales (ASSM), les sciences humaines s’institutionnalisent en créant dans l’immédiat après-guerre une Société suisse des sciences morales (SSSM). La genèse de ce projet est ici mise en tension avec la mobilisation de la communauté scientifique durant le conflit mondial. En retraçant les lignes de force de ce développement institutionnel, il s’agit de montrer comment les sciences humaines se positionnent par rapport aux différents discours développés durant les événements marquants de la période qui précède la création du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Entre la recherche scientifique conçue comme un outil de développement économique et l’émergence d’un soutien à la recherche fondamentale plus ou moins libre et désintéressée, les sciences humaines subissent puis agissent pour sortir, l’espace de quelques années, de la logique de ‘parent pauvre’ et s’assumer en tant qu’acteurs des débuts de la politique de la recherche en Suisse.