tiré du numéro : 13
date : 01/09/2007
auteur : Cristina Ferreira , Arnaud Frauenfelder
résumé de l'article : "Y'en a qui abusent". Identifier, gérer et expertiser des ayants droit de la politique sociale
Faux indigents, simulateurs de peines physiques, pseudo-invalides psychiques, profiteurs de l’asile et du chômage, fraudeurs des allocations : les figures soupçonnées d’abus peuplent depuis longue date les débats sur les droits sociaux. Elles reviennent régulièrement dans les discours sur l’action publique et servent d’argument imbattable pour justifier les révisions en cours des politiques sociales. Le consensus politique est de mise lorsqu’il s’agit de penser la lutte contre « l’escroquerie », surtout l’escroquerie probable ou fantasmée, celle qui échappe à la vigilance. La logique du soupçon repose sur la hantise du « non-travail », de la non participation au monde productif. La figure soupçonnée de vouloir s’extraire au devoir professionnel est une figure intolérable. Elle nuit à une morale collective bâtie autour du devoir du travail. La figure soupçonnée de commettre des abus, est une figure dangereuse en ceci qu’elle déstabilise l’adhésion à une telle doxa. A ce scandale s’ajoute un autre : « ceux qui abusent » se moquent de la solidarité collective, exploitent les travailleurs honnêtes, vivent comme des « rentiers oisifs ». Rien de nouveau sous le soleil, l’affaire des abus est poussiéreuse, ancienne. C’est dire les déficits d’imagination politique dont font preuve les détracteurs actuels des politiques sociales. Comment expliquer une telle constance obsessionnelle autour de la « fraude sociale » ?