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La coparentalité au regard des familles contemporaines

14 mars 2018



La coparentalité au regard des familles contemporaines

Professeur Nicolas Favez, Discutant : Benoît Reverdin

 

Qu’est-ce qu’une famille du point de vue de la psychologie ?

Une famille avec enfant(s) est un système fonctionnel dans lequel la structure importe moins que la façon dont les parents, qu’ils soient biologiques ou non, assument conjointement un ensemble de tâches. Elle est un contexte de soins et de socialisation pour l’enfant qui permet son développement émotionnel, cognitif et social. Trois tâches sont associées au rôle de parent : offrir à l’enfant protection et amour pour lui permettre de satisfaire son besoin d’attachement ; l’éduquer en lui transmettant des valeurs et des limites ; assurer la logistique en le nourrissant et en prenant soin de lui.

Dans ce contexte, la coparentalité est le degré de soutien et de coordination entre adultes qui élèvent ensemble un (des) enfant(s). Il se manifeste dans toutes les activités de soutien émotionnel et instrumental entre les parents.

Modèle traditionnel versus modèle alternatif

Le modèle traditionnel de la famille naturelle composée du père et de la mère biologique avec enfant(s) dans lequel la mère se dédie à son (ses) enfant(s) tandis que le père protège le lien mère-enfant(s) en assurant les ressources suffisantes ne peut être appliqué aux nouvelles formes familiales (familles homoparentales ou recomposées). Il y a encore une quarantaine d’années, on stigmatisait les enfants de couples divorcés en estimant qu’ils présentaient plus facilement des troubles de comportement. Aujourd’hui, les recherches ont montré que ce n’est pas le divorce qui perturbe les enfants, mais plutôt une mauvaise gestion de la coparentalité.

Les dimensions de la coparentalité

La première dimension de la coparentalité est celle du soutien, qu’il soit instrumental ou émotionnel. Même si la répartition des tâches domestiques et de soins à l’enfant est basée sur une répartition spécialisée, la gratitude que chacun exprime pour ce que l’autre a accompli permet d’évaluer le soutien émotionnel.

L’intensité du conflit est la deuxième dimension importante de la coparentalité et il n’est pas rare que l’un des parents essaie de se faire un allié de l’enfant ; on parle alors de triangulation. Le passage du couple  conjugal au couple parental change la relation entre les partenaires et parfois la vision de l’autre. Ce partenaire dont on partageait les intérêts peut se révéler un parent décevant selon son propre système de valeurs.

La division effective du travail constitue la troisième dimension. Elle doit être équitable et satisfaire les deux parties à défaut d’être égalitaire, certaines femmes revendiquant une place prioritaire au sein du foyer. Dans les mois qui suivent la naissance, 80% des parents expriment une déception par rapport à la répartition des tâches et des recherches ont montré que les intentions de répartition des tâches exprimées pendant la grossesse ne correspondaient que peu souvent avec la répartition effective une fois l’enfant né.

Ces différentes dimensions influencent le type de relation coparentale qui peut être plus ou moins conflictuel, cohésif, déséquilibré ou plaçant l’enfant au centre sans être une relation très investie émotionnellement par les partenaires.

Facteurs influençant la relation coparentale

Un couple heureux a le potentiel de former une coparentalité heureuse, mais différents facteurs influencent la satisfaction conjugale.

L’enfant façonne très largement ses parents et la personnalité ainsi que les pathologies de l’enfant, comme celles des parents, influencent la satisfaction conjugale. Les violences physiques sont plus probables dans les familles où l’enfant présente un trouble.

La volonté du père de s’impliquer dans la vie familiale, soit l’engagement paternel, ainsi que la manière dont la mère laisse le père prendre en charge un certain nombre de tâches (« garde-barrière maternel ») est un équilibre à trouver entre les deux partenaires. Dans quelle mesure, le couple est finalement satisfait de cette répartition contribue à la satisfaction conjugale.

Les difficultés coparentales ont un impact sur le développement émotionnel des enfants et une partie des troubles que les enfants présentent s’explique par la relation coparentale. C’est finalement la qualité de la relation entre adultes qui impacte le développement de l’enfant.

La relation coparentale dans les diverses formes familiales

Si la relation coparentale prime sur la structure de la famille, n’importe quel type de duo peut élever un enfant de façon harmonieuse.

Dans le cas des familles recomposées, il n’est pas rare que l’enfant se retrouve face à 3 duos :

- Le duo originel composé du père et de la mère
- Le duo mère / beau-père
- Le duo père / belle-mère

Les recherches montrent un lien d’interdépendance entre ces trois duos dans la mesure où des formes de soutien et de conflit, notamment pour la garde des enfants, ont un impact sur l’ensemble.

Les familles homoparentales, qui sont souvent en Suisse, des familles recomposées, adoptent des comportements de soutien et de conflit similaires aux familles de première union.

Même si le nouveau beau-père ou belle-mère se place en retrait, le nouveau couple doit s’accorder sur des valeurs éducatives et sur le soutien qu’il se prodigue mutuellement . La satisfaction conjugale est souvent mieux notée dans les familles recomposées, mais le recours au divorce est également plus fréquent, comme si le fait d’être déjà passé par la case divorce rendait celui-ci plus familier.

Discussion

Dans sa pratique de psychothérapeute clinicien, le discutant, Benoît Reverdin, souligne que le conflit est placé au centre de toutes médiations conjugales, car c’est bien ce qui impacte le plus le développement de l’enfant. Parfois, le conflit perdure même après la séparation et les conjoints se disputent le titre de « meilleur parent » en soulignant l’incompétence de l’autre. Lorsque le père s’est énormément investi auprès de ses enfants, les difficultés sont d’autant plus fortes.

Finalement, le mandat coparental peut aller bien au-delà du mandat conjugal, d’où l’importance pour deux adultes de savoir se coordonner.


Marie-Eve Zufferey, 14 mars 2018



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