Les réponses institutionnelles à la vulnérabilité des enfants et des familles
23 mai 2018
Les réponses institutionnelles à la vulnérabilité des enfants et des familles
Professeur Jean-Michel Bonvin / Discutant : Michel Berclaz
Les politiques sociales et familiales ont un effet ambivalent. Elles procurent des ressources (financières, éducatives, développement du capital humain,...) aux personnes vulnérables, mais elles sont aussi source de contraintes, car elles sont soumises à des conditions. Les politiques familiales sont normatives dans le sens où elles reposent sur la norme de ce qu'est une « bonne » famille.
Les modèles familiaux peuvent être différents dans le temps et d'un pays à l'autre. L'attente aujourd'hui est forte en faveur du travail des deux parents (dual-worker model) par rapport à l'ancien modèle du male-bread winner.
Les politiques familiales peuvent être une source de stress si on ne se conforme pas aux attentes, ce qui se produit lorsque les normes familiales ne correspondent pas aux normes sociales.
Une famille qui dysfonctionne produit de la vulnérabilité, mais cela justifie-t-il une intervention de l’État ?
Ressources mises à disposition des politiques familiales
En fonction du type de ressources mises à disposition des familles, les interactions entre l’État et la famille sont différentes. La politique sociale peut avoir pour objectif la réinsertion de la famille sur le marché du travail ou la protection de la parentalité,...
Divers auteurs (Esping-Andersen (1990), Gauthier (1996),...) distinguent 4 modèles de politique sociale :
- Le modèle social-démocrate (pays nordiques). Modèle coûteux à forte normativité, car il entend réinsérer les gens sur le marché du travail étant donné son coût élevé.
- Le modèle conservateur (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas). Prestations limitées à la conciliation famille-travail.
- Le modèle de l'Europe méridionale (Espagne, Grèce, Italie, Portugal)
Pauvreté intégrée grâce à l'aide familiale avec peu de ressources distribuées. - Le modèle libéral (Australie, Canada, Etats-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Suisse). Peu de ressources distribuées et accent mis sur la responsabilité individuelle. Modèle moins normatif.
La Suisse se situe dans le modèle libéral ces trois dernières décennies. Les mesures de politique familiale importantes prises récemment sont le programme de mise sur pied des places d'accueil en crèche (2003) et la généralisation des allocations familiales (2009).
Selon le rapport 2015 du Conseil fédéral, les 4 dimensions de la politique familiale en Suisse sont :
1. La sécurité matérielle.
2. La promotion de la conciliation vie familiale vie professionnelle.
3. L'adaptation du droit de la famille aux modes de vie réels.
4. Le soutien aux familles.
Dans un contexte où l’État providence est considéré comme cher et créateur de dépendances a émergé la notion du retour sur investissement de la politique sociale.
Familles vulnérables et investissement social
Comment les familles vulnérables vont devenir un investissement ?
La politique familiale se cible sur les plus vulnérables mais aussi les plus potentiellement productifs, qui sont les enfants. Plus on investit tôt dans les enfants, c'est-à-dire à un âge préscolaire, plus on économise plus tard en évitant la délinquance. Pour atteindre cet objectif, il faut alors agir sur le contexte familial avant le début de la scolarisation. Esping-Andersen propose de privilégier une prise en charge collective précoce et de qualité des enfants. La Suisse est actuellement prise en tenailles entre le contrôle des coûts et l'investissement sur les enfants. Le coût direct d'un enfant n'est pas couvert par les prestations familiales et, si on ajoute les coûts indirects (réduction du temps de travail,…), alors le coût n'est vraiment pas pris en charge par les prestations familiales. Avec le système des prestations complémentaires familiales, le risque d'être en-dessous du seuil de pauvreté diminue.
Taux de risque de pauvreté des familles en Suisse
Le taux de pauvreté diminue après les transferts sociaux particulièrement pour les familles monoparentales. La pauvreté, comme les politiques familiales, a une influence sur le choix du nombre d'enfants.
En Suisse, on privilégie les politiques familiales qui tente de remettre les gens en emploi, également les femmes, avec un modèle de l'homme travaillant à plein temps et la femme à temps partiel.
Conciliation vie professionnelle vie familiale
L'accueil pré-scolaire s'est développé en Suisse, mais son coût, pour les familles, reste plus élevé qu'ailleurs. Les activités de care non productives ne sont pas reconnues et le congé parental reste accessible uniquement aux femmes.
Actuellement, à Genève, le manque de places en crèche, font qu'elles sont réservées aux femmes qui travaillent, ce qui est un problème pour celles qui sont en recherche d'emploi.
L'enjeu est important entre les dépenses sociales liées au vieillissement de la population et les dépenses consacrées aux familles, dans un système où les ressources étatiques restent limitées. Si les familles avaient 2,2 enfants, on pourrait couvrir les coûts du vieillissement, mais on se situe à 1,5 enfants par famille.
Marie-Eve Zufferey, 23 mai 2018
Blog du forum de recherche sociologique