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Repousser - et rester ensemble

Comment une structure peut-elle tenir ensemble alors que ses composants individuels se repoussent les uns les autres ? Une équipe de recherche internationale a répondu à cette question en démontrant un exemple d'état quantique exotique de la matière très excité. Des chercheurs des universités de Genève, Augsbourg, Bonn et Cologne, de l'université technique de Dortmund, de l'université de Northern British Columbia et du Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf ont participé à l'étude. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature.

La plupart des objets qui nous entourent sont maintenus ensemble par des forces d'attraction. Dans les atomes, l'attraction entre le noyau chargé positivement et les électrons chargés négativement conduit à la formation d'un objet stable. Ce principe est également valable pour un ensemble de nombreuses particules, comme dans les matériaux solides, où les molécules individuelles sont maintenues dans des positions fixes par les forces de liaison. Le cristal de sel de table en est un exemple : les ions sodium, de charge positive, attirent les ions chlorure, de charge négative.

"Il est contre-intuitif et surprenant que des objets stables puissent également être formés par des forces répulsives. Cependant, cela peut se produire si l'objet composite est très excité et ne peut pas réduire son énergie", explique le Dr Catalin Halati, chercheur au département de physique de la matière quantique dans le groupe du professeur Thierry Giamarchi, "et si nous avons une situation dans laquelle l'objet peut difficilement échanger de l'énergie avec son environnement, cela empêchera la séparation".

Dans leur étude, les chercheurs ont identifié un composé, BaCo2V2O8, dans lequel, à la surprise générale, ces objets exotiques liés par répulsion peuvent être observés. Ce composé est une réalisation d'une chaîne de spin, un modèle paradigmatique de la physique quantique des corps multiples. On peut considérer le spin des électrons, leur degré de liberté magnétique intrinsèque, comme un analogue quantique de l'aiguille d'une boussole qui s'aligne sur un champ magnétique externe. Toutefois, si un spin pointe dans la direction opposée à celle des spins alignés autour de lui, on obtient un magnon, une excitation de quasiparticules magnétiques bien connue. Les chercheurs ont utilisé des ondes lumineuses térahertz pour exciter les spins et créer des magnons qui se repoussent les uns les autres afin d'étudier leur dynamique dans des champs magnétiques appliqués allant jusqu'à 60 teslas. L'analyse des données expérimentales a permis d'identifier des états quantiques dans lesquels deux ou trois de ces spins alignés et opposés sont maintenus ensemble par leurs interactions répulsives.
Cette étude constitue la première preuve de principe que les interactions répulsives entre les spins opposés sont maintenues ensemble par leurs interactions répulsives.

Cette étude constitue la première preuve de principe que des états liés par répulsion peuvent être observés dans un système à l'état solide. Les scientifiques cherchent actuellement à comprendre comment ces états exotiques pourraient se manifester dans des systèmes quantiques plus complexes. Une direction prometteuse vient du fait que les chaînes de spin sont considérées comme des candidats possibles pour le transport d'informations quantiques, de sorte que des applications potentielles dans les technologies quantiques sont en cours d'exploration, ce qui occupera sans aucun doute les scientifiques pendant encore plusieurs années.

Lire l'article publié dans Nature

Contact : Dr Catalin Halati, catalin.halati(at)unige.ch

 

28 juin 2024
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