Éric Eigenmann, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Etant donné que l'intervention de plusieurs locuteurs au théâtre est non seulement possible mais attendue, ce geste d'attribution implique également une distribution du discours, qu'on qualifie comme tel de dialogué. Selon l'étymologie, le dialogue (terme potentiellement trompeur [II.4 et III]) fait alterner deux voix, opposition fondatrice du théâtre antique: entre chœur et coryphée d'une part, chœur et protagoniste d'autre part; à l'échelle de la scène, il domine jusqu'à la fin du XVIIe siècle, avant de s'affirmer de nouveau dans la seconde moitié du XXe. Le dialogue peut toutefois reposer sur une distribution moins équilibrée, provisoirement ou non, jusqu'à ne faire entendre qu'une seule voix: le monologue et le soliloque, aux frontières confuses [II.2.1] sont ces cas limite. Il peut au contraire réunir trois voix ou plus, à moins qu'on ne préfère parler alors de trilogue ou de polylogue. Dès les tragédies d'Eschyle, deux personnages sont en effet capables, dans la configuration la plus complexe, de s'entretenir aussi bien entre eux qu'avec le chœur et le coryphée. Cette répartition de la parole proférée ne préjuge en rien de l'échange verbal ménagé, ou non, par les différentes interventions [II.4].
Si l'on considère en outre le lecteur/spectateur, destinataire ultime de toute réplique, comme un interlocuteur potentiel, le monologue apparaîtra dialogue, le dialogue, trilogue et le trilogue, polylogue...
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004