9. Glossaire

Les définitions suivantes ont pour but de préciser la signification de certains termes tels qu'ils sont utilisés dans cette thèse. Les termes sont classés par ordre alphabétique.

Autorité : L'autorité est une personne ou une institution à laquelle s'adresse la revendication du jeûneur. On appellera autorité responsable l'autorité qui peut effectivement décider du sort du détenu jeûneur en ce qui concerne la suite donnée à ses revendications. Synonyme : Partenaire-cible.

Besoins alimentaires : Les besoins alimentaires du corps comprennent un nombre de calories suffisant pour un fonctionnement de base (minimal) ainsi que le volume d'eau, les vitamines et les sels minéraux que le corps ne peut synthétiser. Un fonctionnement harmonieux propre à conserver la santé implique un apport alimentaire supérieur à celui nécessaire à couvrir les besoins alimentaires minimaux, à savoir un apport d'aliments variés comprenant, en plus des besoins alimentaires de base, des glucides, des protéines et des lipides d'origines variées ainsi que des fibres.

Diète : La diète est une forme de jeûne volontaire, le plus souvent partiel, le plus souvent proposé pour des raisons médicales.

Directives anticipées : Les directives anticipées sont les demandes formulées par un individu capable de discernement concernant les traitements à entreprendre ou, le plus souvent, à ne pas entreprendre, afin de traiter certaines affections médicales et/ou maintenir la vie, en prévision d'une éventuelle perte d'autonomie. Ces directives sont habituellement transmises par oral au médecin traitant ou par écrit.

Dispositions de fin de vie : Voir directives anticipées.

Faim : La faim est la sensation qui traduit le besoin de manger et prévient normalement l'inanition (en entretenant les comportements permettant d'apporter au corps les éléments nécessaires pour subvenir à ses besoins physiologiques).

Grève de la faim : Voir jeûne de protestation. La grève de la faim est le synonyme couramment employé de jeûne de protestation. La plupart des documents abordant le problème des grèves de la faim commencent par souligner le problème de terminologie : le terme de grève de la faim est généralement considéré comme inadéquat puisqu'il s'agit, à proprement parler, avant tout d'une grève de l'alimentation, la faim en étant une conséquence d'intensité et de durée variable ; on considère par ailleurs le terme de grève comme dérivé du vocabulaire journalistique, évoquant les conflits sociaux qui ont donné tout son sens dramatique au mot grève, p.ex. dans le cas de grève du travail. L'expression a cependant l'avantage d'être explicite et comprise par tous, et elle est rencontrée dans de nombreuses langues européennes ; sa construction est similaire à l'expression mourir de faim. Elle a l'inconvénient de ne pas faire partie de la terminologie des spécialistes.

Grève de la soif : Voir jeûne absolu.

Inanition : L'inanition est l'état résultant d'un manque de nourriture, affectant la santé de manière plus ou moins réversible et pouvant conduire à l'épuisement et à la mort, suivant la rigueur et la durée du manque de nourriture.

Jeûne : Le jeûne est une privation de nourriture. On distinguera les jeûnes involontaires, imposés par une situation (p.ex. famine dramatique ou simple préparation à un examen paraclinique) ou par une pathologie, et les jeûnes volontaires résultant d'une démarche consciente entreprise par un individu.

Jeûne de protestation : Le jeûne de protestation est une forme de refus alimentaire volontaire au titre d'une démarche choisie de protestation ; il est motivé par une situation considérée comme inadmissible par le jeûneur. Il dure théoriquement aussi longtemps que le jeûneur ne trouve pas sa revendication satisfaite et qu'il la juge plus importante que les risques pour la santé associés au refus alimentaire. L'AMM en donne la définition suivante : « Un gréviste de la faim est celui qui, en pleine possession de ses capacités mentales, fait connaître sa décision d'entamer une grève de la faim, et qui, pendant un laps de temps considérable, refuse toute alimentation ». [31]

Jeûne complet :Le jeûne complet est un refus volontaire de toute prise alimentaire. Le jeûneur est susceptible de boire de l'eau ou non (voir jeûne absolu, « grève de la soif »).

Jeûne absolu : Le jeûne absolu est un jeûne extrême se caractérisant dans son intensité par le refus de tout aliment solide et liquide. Synonyme de grève de la soif.

Jeûne illimité : Le jeûne illimité est un jeûne se caractérisant par le fait que sa durée n'est pas déterminée au préalable ; il dure théoriquement jusqu'à ce que le jeûneur obtienne satisfaction.

Jeûne partiel : Le jeûne partiel est un refus volontaire de s'alimenter moins radical, se caractérisant dans son intensité par la prise de certains nutriments (p.ex. vitamines) ou de nourriture en petite quantité.

Jeûne religieux : Le jeûne religieux est une forme de jeûne volontaire correspondant à une pratique religieuse d'abstention de nourriture, pendant une période prédéterminée (selon les rites religieux).

Jeûneur : Le jeûneur est la personne qui jeûne à des fins de protestation ; c'est le « gréviste de la faim ». Dans ce texte, nous utiliserons le terme jeûneur lorsqu'il est question de jeûne d'une manière générale, de patient(e) pour les cas bénéficiant d'une prise en charge médicale et de patient(e) détenu(e) ou de détenu(e) pour les cas relatifs à des individus placés en détention.

Médecin de deuxième avis : Médecin intervenant ponctuellement pour confirmer le diagnostic et/ou le traitement proposé par le médecin responsable, ou au contraire pour proposer une alternative. Ce type de consultation est en général considéré comme plus neutre, plus indépendante du contexte et des intervenants. Le médecin de confiance peut jouer le rôle de médecin de deuxième avis lorsqu'il représente une alternative au médecin initialement désigné par la situation (p.ex. médecin du service médical pénitentiaire), mais, plus qu'un intervenant ponctuel, il peut être avant tout le médecin de premier recours choisi par le jeûneur, et de ce fait apparaît surtout indépendant des autres intervenants (médicaux et non médicaux).

Partenaire-cible : Voir aussi autorité. Le partenaire-cible désigne le plus souvent l'autorité, en tant que personne ou institution, à l'encontre de laquelle le jeûneur adresse explicitement sa revendication, ou à défaut l'autorité responsable (autorité ayant la compétence pour décider de la suite à donner aux revendications du jeûneur). Le terme de partenaire-cible n'est utilisé que par peu d'auteurs [5, 10]. Celui d'autorité n'est pourtant pas toujours adéquat, soit dans bien des cas qu'il s'agisse d'une personne ou d'une institution n'ayant pas d'autorité directe sur le jeûneur, soit qu'il s'agisse d'une personne ou d'une institution n'ayant aucun pouvoir de décision relatif au statut officiel du jeûneur (p.ex. proche). De ce fait, nous utiliserons le terme de partenaire-cible en général, et celui d'autorité lorsqu'il semble plus clair de désigner l'autorité judiciaire ou pénitentiaire dont dépend le jeûneur.

Pseudo-jeûne : On parle de pseudo-jeûne lorsque la prise de nourriture est suffisante pour prévenir le décès et même une détérioration significative de l'état de santé. En cas de nutrition artificielle contre la volonté du jeûneur, on continuera de parler de jeûne de protestation, en donnant l'importance à l'aspect protestataire du refus alimentaire qui se poursuit, même si l'apport nutritif est suffisant pour garantir la survie. Lorsque la nutrition artificielle est administrée avec l'accord du jeûneur, il s'agit à nouveau d'un jeûne partiel et la limite avec le pseudo-jeûne devient difficile à déterminer ; le déroulement du jeûne avant l'alimentation artificielle et les risques liés à celle-ci déterminent alors en grande partie la valeur du jeûne.

Refus alimentaire : Le refus alimentaire est une conduite s'opposant aux comportements instinctifs qui empêchent l'inanition, par la prise régulière, en qualité et quantité adéquates, de nourriture. Ce terme général comprend tous les cas se rapportant à cette conduite, sans distinction quant aux causes, aux motivations, aux délais et aux méthodes employées. Il comprend ainsi toutes sortes de refus de s'alimenter, tant les jeûnes de protestation que des troubles d'ordre purement psychiatrique, tel que l'anorexie mentale. Il suppose toutefois une volonté de refus de la part de l'individu, quelle que soit la valeur qu'on accorde à son refus, selon l'évaluation de sa capacité de discernement.

Testament biologique : Voir directives anticipées.


10. Annexes. Tableaux et figures


Tableaux

Tabl. 1 : Exemples de revendications et de motifs de protestation, groupés en fonction du partenaire-cible

Tabl. 2 : Statistiques relatives à l'activité du SAPEM (moyenne 1995-1996) et valeurs correspondantes pour la prison de Champ-Dollon 122 

Tabl. 3 : Grille d'analyse : comparaison internationale

Tabl. 4 : Résultats du sondage auprès des personnels de santé des services médicaux pénitentiaires en Suisse

Tabl. 5 : Comparaison de la prise en charge dans différents pays (résumé)

Tabl. 6 : Cas de jeûne de protestation et comparaison avec d'autres comportements, à la prison de Champ-Dollon

Tabl. 7 : Récapitulatif des cas de jeûne de protestation au Quartier cellulaire hospitalier (QCH)

Tabl. 8 : Récapitulatif des cas de jeûne de protestation et comparaison à d'autres comportements, à la prison de Champ-Dollon


Figures

Fig. 1 : Age des détenus

Fig. 2 : Variation saisonnière du nombre de cas de jeûne de protestation à Champ-Dollon (CD) et à la prison des Baumettes (PHB)

Fig. 3 : Répartition des jeûnes de protestation en fonction de leur durée


11. Annexes. Textes divers


A. Textes de lois et les déclarations nationales et internationales


1. La Déclaration de Tokyo de l'Association Médicale Mondiale

L'ASSOCIATION MEDICALE MONDIALE, INC.

Novembre 1975

Original : anglais

DECLARATION DE TOKYO

Directives à l'intention des médecins en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en relation avec la détention et l'emprisonnement.

Adoptée par la 29eme Assemblée médicale mondiale de Tokyo, Japon, octobre 1975.

PREAMBULE

Le médecin a le privilège d'exercer son art pour servir l'humanité. Il doit conserver et rétablir la santé physique et mentale pour tous, sans discrimination, consoler et soulager ses patients. Le médecin doit garder le respect absolu de la vie humaine dès la conception, même sous la menace et ne fera pas usage de ses connaissances médicales contre les lois de l'humanité

Au sens de la présente Déclaration, la torture peut être définie comme les souffrances physiques ou mentales infligées à un certain degré, délibérément, systématiquement ou sans motif apparent, par une ou plusieurs personnes agissant de leur propre chef ou sous l'ordre d'une autorité pour obtenir par la force des informations, une confession ou une coopération de la victime, ou pour toute autre raison.

DECLARATION

  1. Le médecin ne devra jamais assister, participer ou admettre les actes de torture ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, quels que soient la faute commise, l'accusation, les croyances ou motifs de la victime, dans toutes situations, ainsi qu'en cas de conflit civil ou armé.
  2. Le médecin ne devra jamais fournir les locaux, instruments, substances, ou faire état de ses connaissances pour faciliter l'emploi de la torture ou autre procédé cruel, inhumain ou dégradant ou affaiblir la résistance de la victime à ces traitements.
  3. Le médecin ne devra jamais être présent lorsque le détenu est menacé ou soumis à la torture ou à toute autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant.
  4. Le médecin doit avoir une indépendance clinique totale pour décider des soins à donner à une personne placée sous responsabilité médicale. Le rôle fondamental du médecin est de soulager les souffrances de ses semblables et aucun motif d'ordre personnel, collectif ou politique ne pourra prévaloir contre ce noble objectif.
  5. Lorsqu'un prisonnier refuse toute nourriture et que le médecin estime que celui-ci est en état de formuler un jugement conscient et rationnel quant aux conséquences qu'entraînerait son refus de se nourrir, il ne devra pas être alimenté artificiellement. La décision en ce qui concerne la capacité du prisonnier à exprimer un tel jugement devra être confirmée par au moins un deuxième médecin indépendant. Le médecin devra expliquer au prisonnier les conséquences que sa décision de ne pas se nourrir pourraient avoir sur sa santé.
  6. L'Association Médicale Mondiale appuiera et devra inciter la communauté internationale, les associations nationales membres et tous les médecins à soutenir le médecin et sa famille qui feraient l'objet de représailles ou menaces pour avoir refusé d'accepter que des moyens de torture ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants soient employés.

2. La Déclaration de Malte de l'Association Médicale Mondiale


3. Loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients (K 1-80) du 6 décembre 1987 (Entrée en vigueur : 24 décembre 1987)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève, vu l'initiative populaire pour les droits des malades (IN 10), décrète ce qui suit :

Art. 1 Information

  1. Les médecins informent leurs patients de façon simple, compréhensible et acceptable par ces derniers sur :
    1. leur état de santé;
    2. les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels;
    3. les moyens de prévention des maladies et de conservation de la santé.
  2. Dans les limites de leurs compétences, les membres des professions de la santé contribuent à cette information.

Art. 2 Dossier : définition et accès

  1. Le dossier du patient est constitué par le dossier médical, le cas échéant par le dossier infirmier et le dossier social, et par la lettre de sortie d'un établissement médical.
  2. Au sens de la présente loi, le dossier médical englobe toutes les pièces concernant le patient, à l'exception des notes purement personnelles du médecin, ainsi que les faits divulgués par des tiers et couverts par le secret médical.
  3. Sur demande écrite le patient est en droit de consulter son dossier.
  4. Nul n'est en droit de contraindre un patient à lui fournir une copie de son ou de ses dossiers ou d'une partie de ceux-ci.

Art. 3 Concours de médecins de l'extérieur

Le patient a le droit, une fois hospitalisé, de faire appel à son médecin ou à un autre membre des professions de la santé, au sens de la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical, du 16 septembre 1983, le traitant et pratiquant à l'extérieur de l'établissement, pour que ce dernier puisse prendre connaissance du dossier et collaborer à l'information du malade.

Art. 4 Secret médical

Les obligations découlant de l'article 321 du code pénal suisse sont instituées dans l'intérêt exclusif du patient. Elles ne sont pas opposables à ce dernier.

Art. 4A(1) Respect du diagnostic

  1. Le diagnostic appartient au patient, nul ne peut en disposer sans son consentement.
  2. La transmission aux assurances et caisses-maladie de renseignements médicaux et du diagnostic, en clair ou sous forme d'un code, se fait par l'intermédiaire de médecins-conseils.

Art. 5 Consentement

  1. Le consentement éclairé du patient est nécessaire pour toute mesure diagnostique et thérapeutique, les dispositions concernant les mesures diagnostiques et thérapeutiques d'office étant réservées.
  2. Le consentement est valablement donné par le patient capable de discernement. En l'absence de discernement, le médecin demande l'accord du représentant légal.
  3. Les directives anticipées rédigées par le patient avant qu'il ne devienne incapable de discernement doivent être respectées par les professionnels de la santé s'ils interviennent dans une situation thérapeutique que le patient avait envisagée dans ses directives.(3)
  4. Dans le cas d'urgence, lorsque le patient n'est pas en mesure de se prononcer et que l'intervention thérapeutique est vitale, le consentement est présumé.(3)
  5. En cas de refus ou de retrait du consentement pouvant entraîner des conséquences graves pour le patient, le médecin en informe ce dernier de façon approfondie. Si le patient persiste, le médecin est en droit de demander une confirmation écrite.(3)
  6. Lorsque le refus émane du représentant légal du patient et qu'il peut avoir pour le malade des conséquences graves, le médecin peut s'adresser à l'autorité tutélaire. Si l'urgence est telle que cette démarche pourrait compromettre les chances de survie du patient, le médecin peut procéder à l'intervention avant la décision de l'autorité tutélaire.(3)
  7. Le patient donne des renseignements complets et véridiques sur son état de santé et suit les prescriptions à l'exécution desquelles il a donné son consentement.(3)

Art. 6 Recherche, expérimentation et enseignement

  1. Lorsque les examens ou les traitements proposés ressortissent à la recherche clinique et sont encore de nature expérimentale, ou constituent des nouveautés non encore éprouvées, le médecin l'indique au patient, en expliquant les avantages attendus et les risques possibles.
  2. Les expériences sont effectuées avec le consentement écrit, qui peut être retiré en tout temps, du patient et de son représentant légal. Elles ne doivent pas nuire au rétablissement de la santé et respecter les normes édictées par l'Académie suisse des sciences médicales, dans leur dernière version.
  3. La participation du patient à l'enseignement requiert son consentement éclairé ou celui du représentant légal. Les responsables de l'enseignement veillent à ce qu'il soit donné dans le respect de la dignité et de la sphère privée du malade.

Art. 7 Visites et maintien des liens avec l'extérieur

pendant un séjour hospitalier

  1. Le malade hospitalisé a le droit de recevoir et d'expédier son courrier dans les meilleurs délais. Il doit pouvoir utiliser facilement le téléphone et recevoir des visites; les tranches horaires de celles-ci doivent être les plus larges possible, compte tenu des exigences du traitement et du fonctionnement de l'établissement.
  2. Une attention particulière est accordée aux parents des enfants hospitalisés.
  3. Le médecin traitant peut rendre visite à son malade en tout temps, spontanément ou sur demande. Il prend contact à ce moment avec le médecin hospitalier responsable.
  4. Le malade a le droit en tout temps aux visites de l'aumônier de l'établissement ainsi qu'à celle de son conseiller spirituel de l'extérieur, s'il en a un.
  5. Les proches ont le droit d'entourer le mourant sans contrainte d'horaire et dans un environnement approprié.

Art. 8 Dispositions légales fédérales

Les dispositions légales du droit fédéral sur la tutelle et la curatelle sont réservées.

Art. 9 Respect de la dignité et de la personnalité; assistance

du personnel médical et soignant des établissements

  1. Le malade et ses proches ont droit, quels que soient leur sexe, leur âge, leur nationalité et leur situation sociale, au respect de leur pudeur et à la courtoisie de tout soignant.
  2. Le personnel médical et soignant des établissements assiste le malade dans l'exercice de ses droits.

Art. 10 Plaintes

  1. Tout patient s'estimant victime d'une violation des droits que lui confère la présente loi peut adresser une plainte au chef du département de l'action sociale et de la santé.(2)
  2. Selon que la personne visée est un praticien privé ou un médecin d'un des établissements publics médicaux, la plainte est transmise pour instruction à la commission de surveillance des professions de la santé, instituée par la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical, du 16 septembre 1983, respectivement à la commission de surveillance des activités médicales, instituée par la loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980.
  3. Au terme de l'instruction et suivant les conclusions de la commission compétente, le chef du département ordonne la clôture du dossier si aucune violation des droits du plaignant n'a été établie; en cas contraire, il émet une injonction impérative au praticien concerné sous menace des peines prévues à l'article 292 du code pénal.
  4. La décision du chef du département est susceptible de recours dans les 30 jours au Tribunal administratif. Le plaignant et la personne visée ont qualité pour recourir.
  5. En cas de comportement professionnel incorrect dûment constaté, les dispositions relatives aux sanctions prévues par les articles 127 et 128 de la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical, respectivement par le statut du personnel des établissements publics médicaux visé par l'article 17E de la loi sur les établissements publics médicaux, sont réservés.


B. Recommandations, protocoles de prise en charge


1. Recommandations pour la prise en charge de détenus menant un jeûne de protestation dans les institutions pénitentiaires genevoises

a) Diagnostic

Identifiez les détenus menant un jeûne de protestation, à savoir ceux qui refusent de s'alimenter suffisamment et qui associent cette démarche volontaire à une revendication ou une protestation. Exclure les états pathologiques nécessitant une prise en charge spécifique et éventuellement plus immédiate.

b) Communication avec le jeûneur

Assurez-vous que la compréhension mutuelle entre l'équipe médicale et soignante, et le détenu est optimale 123 .

Si nécessaire, obtenez le concours d'un interprète indépendant 124 .

c) Données relatives au jeûneur

Notez dans le dossier médical les données suivantes : identité du jeûneur, état civil et existence de proches qui pourraient être contactés en cas de nécessité, avec le consentement du patient, poids habituel anamnestique et actuel, signes vitaux et taille.

Identifiez les caractéristiques du jeûne de protestation 125  :

Causes du jeûne (motif de protestation ou de revendication).

Objectifs du jeûne de protestation.

Modalités du jeûne :

intensité (en particulier en ce qui concerne la consommation d'eau)

date de début du jeûne et durée prévue (limitée ou illimitée)

étendue : déterminez s'il s'agit d'un jeûne individuel ou collectif. Identifiez le porte-parole désigné en cas de jeûne collectif. Assurez-vous, en vous entretenant en particulier avec chacun des jeûneurs, qu'aucun participant ne fait l'objet de mesures de coercition et que chacun peut prendre des décisions de manière individuelle 126 .

Recherchez des antécédents de jeûne de protestation (évolution et conséquences).

Identifiez les facteurs de risque 127 , qui permettront d'anticiper une évolution médicale plutôt rapide du jeûne, tels que maladies chroniques, et/ou antécédents susceptibles de modifier ou influencer la prise en charge médicale (p.ex. diabète, insuffisance cardiaque, épilepsie, trouble gastrique) ; mentionner les patients mineurs et les femmes enceintes. Passez en revue les traitements médicamenteux indispensables et ceux associés à une dépendance (méthadone, anxiolytiques, etc.). Le jeûne absolu (grève de la soif) représente également un facteur de risque.

d) Soutien non médical du jeûneur

Recommandez que les aspects non médicaux du jeûne soient pris en charge par une personne de référence compétente (p.ex. l'avocat ou un représentant d'un groupe d'intérêts organisé) 128 . Ceci clarifié, la prise en charge médicale du jeûneur peut devenir plus indépendante des motivations du jeûneur et du conflit avec le partenaire-cible.

Suggérez au détenu que cet intervenant soit si possible toujours présent lorsque le jeûneur est en contact avec le partenaire-cible ou les média. Convenir que cet intervenant prenne en charge les intérêts non médicaux du patient si ce dernier devait perdre sa capacité de discernement 129 .

e) Information du jeûneur

En tant que médecin, informez le patient 130  quant aux conséquences psychiques et physiques d'un jeûne, et ce dès que possible et pas plus tard qu'au troisième jour, voire dès le premier jour en cas de jeûne absolu (grève de la soif). Si le médecin responsable est absent, l'équipe médicale doit prévenir le médecin remplaçant, en particulier en présence de facteurs de risque ou d'un jeûne absolu 131 . A moins que le patient ne s'y oppose, informez sa famille de la démarche qu'il a entreprise 132 .

En présence de facteurs de risque d'ordre médical, le patient sera informé des risques spécifiques qu'il court 133 .

Soulignez l'importance d'un apport en liquides suffisant (2 l/j) 134 . Proposer des apports minimaux évitant une altération rapide de l'état de santé et/ou des complications brutales (apports en eau suffisants, préparations multivitaminées).

Soulignez l'importance d'un suivi régulier par l'équipe médicale et convenez des modalités avec le patient. Vérifiez si le patient accepte ce suivi, en particulier l'examen physique, les examens paracliniques, le cas échéant l'administration de médicaments et de vitamines 135 .

f) Autres aspects médico-légaux

Le patient ayant été correctement informé, évaluez sa capacité de discernement, concernant le jeûne de protestation, dès la première consultation. Consignez votre évaluation dans le dossier médical.

Convenez dès que possible des traitements que le patient accepte en prévision d'éventuelles complications ou de la survenue d'un coma. Demandez en particulier s'il accepte des mesures de réhydratation parentérale, voire de réalimentation parentérale indiquées par son état de santé. De préférence, consignez ces préférences dans le dossier 136 .

Si le patient indique qu'il n'acceptera pas d'alimentation artificielle ou quelque traitement que ce soit tant que ses buts n'auront pas été atteints, faites réévaluer la capacité de discernement par un collègue 137 , de préférence le médecin responsable du service. Proposez un suivi de soutien par le psychiatre à tous les patients admis au Quartier Cellulaire Hospitalier.

Assurez une évaluation régulière de la capacité de discernement, le diagnostic et le traitement adéquat des comorbidités psychiatriques, et le soutien du jeûneur en cas d'échec de la démarche revendicatrice ; en cas de besoin, sollicitez une consultation spécialisée par un psychiatre.

Si l'évolution attendue du jeûne est plutôt rapide en raison des facteurs de risque associés, de l'évolution constatée, ou en cas d'admission au Quartier Cellulaire Hospitalier, proposez au patient de rédiger des directives anticipées (testament biologique) 138  en notant que le secret professionnel s'applique à une telle déclaration et que le contenu ne pourra en être communiqué à des tiers qu'avec l'accord explicite du patient. Toutefois, ces directives anticipées étant rédigées en prévision d'une perte des facultés intellectuelles du patient, il va de soi que leur contenu peut être divulgué par le médecin responsable au moment adéquat, en particulier lorsque le patient sera dans le coma. C'est la condition nécessaire pour respecter la volonté du patient explicitées dans ces directives 139 .

Assistez le patient dans la rédaction d'éventuelles directives anticipées 140 . Le contenu de telles directives devrait être réévalué régulièrement auprès du patient pour en confirmer la validité et/ou pour permettre tout changement (p.ex. suite à une modification de la situation ou de la volonté du patient) 141 . Si un changement est demandé par le patient, assurez-vous que la capacité de discernement est intacte et notez dans le dossier médical les modifications souhaitées.

Si l'état du patient le demande, pratiquez les manoeuvres de réanimation et réalimentation nécessaires 142 . Si toutefois le patient a rempli une déclaration de non intervention médicale, respectez ces directives anticipées 143 .

Bien que les conséquences d'un jeûne volontaire sur la santé d'un patient puissent être graves, abstenez-vous de toutes mesures coercitives visant à faire céder le patient dans sa démarche, pour autant que celui-ci soit correctement informé et capable de discernement 144 . En particulier, n'adaptez les traitements habituels du patient qu'en fonction d'indications cliniques objectives, et non dans le but de décourager la poursuite du jeûne 145 .

S'il vous semble inacceptable de devoir respecter les éventuelles directives anticipées du patient, expliquez-lui que vous ne pouvez le prendre en charge en raison d'un conflit de conscience professionnelle, et remettez le aux soins d'un collègue 146 .

g) Suivi du jeûneur

Examinez le patient au moins une fois par semaine, en évaluant en particulier son état général 147 . Les examens paracliniques dépendront de l'évolution clinique et des éventuelles comorbidités du patient avant le jeûne et de leurs complications 148 .

Tenez régulièrement à jour tant le dossier médical que les observations des infirmier(e)s 149 .

Si un jeûne de protestation dure plus d'une semaine, il est préférable d'en informer vos collègues (remplaçants et médecin de garde, médecins du Quartier cellulaire hospitalier) 150 .

Si le patient refuse d'être suivi par vous, confiez le aux soins d'un collègue 151 . Si le patient le souhaite, il peut obtenir la visite d'un médecin exerçant en dehors de l'établissement pénitentiaire (p.ex. son médecin traitant habituel), conformément à la loi 152 . Ce médecin ne pourra toutefois pas jouer pleinement un rôle de médecin de confiance, puisque a responsabilité finale des décisions médicales revient au médecin du service médical à la prison de Champ-Dollon ou du Quartier Cellulaire Hospitalier 153 .

h) Critères indiquant une hospitalisation

Il est important que la décision d'une hospitalisation se fasse en accord avec le patient. Dès lors, celle-ci devrait être envisagée à temps.

Les paramètres suivants peuvent être mesurés ambulatoirement et servir d'indicateurs à une hospitalisation :

perte de poids supérieure à 10% du poids initial

trouble de la conscience et/ou décompensation psychologique.

signes d'insuffisance cardiaque (dyspnée, oedèmes).

signes de déshydratation importante, insuffisance rénale, hypotension orthostatique.

hypothermie (< 35.5°C)

bradycardie importante (< 35/min) ou arythmie nouvelle.

i) Prise en charge au terme d'un jeûne

Conseillez le patient dans sa réalimentation : petite portions fréquentes de nourriture facile à digérer ; prévoir des apports énergétiques d'env. 3000 kcal/j.

Faites le bilan du jeûne de protestation avec le patient. Répétez cette évaluation après une semaine p.ex. (suivant l'état psychique et les conséquences du jeûne).


2. Recommandations de la Johannes Wier Foundation for health and human rights

Liste de recommandations, à l'intention de l'équipe médicale/du médecin responsable, pour la prise en charge (suivi clinique, relations patient/soignants, aspects médico-légaux) d'un individu menant un jeûne de protestation, où qu'il se trouve (citoyen libre, détenu, requérant d'asile).

Guidelines for medical and nursing support

  • Make sure the communication with the hunger striker is optimal. If necessary, call in an independent interpreter.
  • Assess whether a confidence doctor is needed, whose independent position should be stressed.
  • Try to get a clear picture of the cause and the objective of the hunger strike. Is it also a thirst strike? How long do they want to continue the strike? Have they been engaged in a hunger strike before, for example in the country of origin, if so, was it successful?
  • Is it a group strike? If so, is there a spokesperson? Are there any relatives? Are there any minors or pregnant women? Does the group allow the individual hunger striker to make his own decision? (Important to talk to everyone individually).
  • The non medical interests can be taken care of by another agent: the lawyer or a representative of an organised interest group.
  • Suggest that this agent is always present when the hunger striker talks to the authorities opposed by the action or the media. Establish that this agent will act on behalf of the hunger striker, if the latter has become mentally incapable.
  • As a doctor, provide information on the mental and physical consequences of a hunger strike as soon as possible but no later than the third day, and in case of a thirst strike on the first day. A confidence doctor should have been appointed by then (if the hunger striker wishes so). If the doctor of the refugee centre or detention facility is absent, the medical service of the institution (e.g. nurse) should call in a locum. This applies especially when risk factors (see 8) exist or in case of a thirst strike.
    The importance of sufficient fluid intake (2 L/day) and good physical care should be stressed.
  1. Determine whether there are any risk factors like diabetes, epilepsy, and gastric disorders. A hunger strike can also be discouraged on strictly medical grounds in pregnant women or children.
  2. Stress the importance of good medical and nursing support and make clear arrangements about it. This applies to physical examination, laboratory analyses, use of medicines and vitamins. Is only intravenous fluid suppletion accepted or also drip feeding?
  3. It is sensible to make arrangements in an early stage about what should be done if the physical condition deteriorates or if the hunger striker lapses into coma.
    Preferably, these arrangements should be put in writing.
    If the hunger striker indicates not to accept artificial feeding -including forced feeding - or any medical treatment until the aim is achieved, it is necessary to point out that you cannot make such an important decision on your own. According to the guidelines (Declaration of Tokyo) you should insist on the opinion of an independent other doctor (the "second opinion"). If the mental capacity of the hunger striker is doubted, a judgement of a psychiatrist is required at an early stage.
    A model for a 'statement of non-intervention' is provided in chapter VII.
    It is important to note that the doctor's professional secrecy applies to such a 'statement of non-intervention'. If a doctor wants this statement to be known to others, he requires the permission of the hunger striker. One should be particularly aware of this when dealing with the press and media (see 5: contact with the media by a non medical agent).
    As the 'statement of non-intervention' is meant to be used when the hunger striker is not able to express his own will anymore, it is inherent to the statement that, if necessary and when the hunger striker is in coma, the statement can be made public by the doctor of confidence. This is inevitable in order to reach the purpose the hunger striker aims for by means of the statement.
  4. The 'statement of non-intervention' should regularly be evaluated in consultation with the hunger striker to allow changes (which may well occur due to circumstances or change of will).
  5. Visit the hunger striker at least daily, pay attention to his physical condition. Parameters such as weight, fluid balance and blood pressure can also be determined by a nurse.
    When and which laboratory analyses should be done, depends on the condition and pathology of the person concerned before the hunger strike began (especially disorders of the kidney functions). See chapter III for more information. If necessary, a local internist should be consulted.
    A detailed medical file should be kept as well as a nursing report.
  6. If a hunger strike lasts longer than for example one week, it is advisable to inform your colleagues (including locums, other GP's and specialists in the local hospital) about the strike.
  7. If the doctor of confidence is not the hunger striker's GP, inform the latter - with permission of the hunger striker - about the course of the strike.

Indications for hospitalisation

Firstly, it is important that the decision to hospitalise the hunger striker is made according to his wish. Therefore, it should be timely discussed.

The following parameters can be examined in a non clinical setting and each may give cause for hospitalisation:

  • weight loss of more than 10% of the original weight (more in people with extra reserves)
  • disorders in consciousness/psychological decompensation
  • signs of heart failure (dyspnea, oedema)
  • signs of severe dehydration and kidney failure: orthostatic hypotension (difference in systolic pressure between recumbent and standing position of more than 25 mmHg)
  • severe hypothermia: less than 35.50C
  • severe bradycardia: less than 35/min, or irregular pulse

What to do after the hunger strike

  1. Advise on refeeding: small frequent portions of easily digestible food, about 3,000 kcal a day.
  2. Evaluate the hunger strike with the hunger striker. Repeat this after for instance one week (depending on the mental condition and the "result" of the hunger strike).

It is up to the doctor of confidence to decide about the desirability of a written statement in which the doctor states that he refuses to accept liability for any permanent damage in the hunger striker. A doctor of confidence in Germany has been charged to be responsible for sustained damages. The legal status and desirability of such a statement depends on the situation and the legal circumstances in the country concerned.

Such a statement formulated by a doctor still does not protect him against all liability. The concrete actions of a doctor will still be essential. It seems to be more important to act according to the professional standards and to report everything in a file, than to have a statement as mentioned above.

If the damage results from a mistake by a doctor, he is responsible, with or without a statement.

In the case of death of the hunger striker, it is an unnatural death. Therefore, post-mortem examination should be performed by a medical examiner or the coroner. In general autopsy will not be necessary if all medical data are recorded.


3. Protocole de prise en charge des jeûnes de protestation en Espagne


C. Correspondances


1. Exemple du questionnaire adressé aux responsables de services de santé pénitentiaire en Suisse avec la lettre d'accompagnement, en français 154 

Mars 1996


2. Exemple du questionnaire adressé à divers responsables européens (Espagne, France, Grande-Bretagne, Pays-Bas) et les réponses obtenues.

a) Questionnaire

Institut Universitaire de Médecine Légale
C.M.U.
9, avenue de Champel
1211 Genève 4

Genève, le 20 février 1996

Dr Daniel Scotto
Médecin responsable à la
Prison-hôpital des Baumettes
Marseille

Cher Collègue,

Suite à notre conversation téléphonique du 20 février, je vous transmets le questionnaire. A toute fin utile, je vous rappelle que je suis un médecin suisse rattaché à la faculté de médecine de Genève et réalise actuellement une thèse de doctorat dans le cadre de l'Institut Universitaire de Médecine Légale, sous la direction du Pr. T W Harding et du Dr D Bertrand. Cette thèse porte sur le problème du jeûne de protestation (grève de la faim) en milieu carcéral, en faisant en particulier ressortir les données locales concernant ce problème.

Cependant, afin d'analyser la prise en charge d'un détenu refusant de s'alimenter, nous nous intéressons au problème tel qu'il se présente dans d'autres pays, ainsi qu'à l'attitude adoptée. C'est pourquoi je souhaite connaître votre point de vue en tant que médecin responsable d'un service médical pour détenus. Comme convenu par téléphone, l'avis de vos collègues est bien entendu le bienvenu.

  1. Je serais intéressé de connaître les règles qui orientent la prise en charge des jeûnes de protestation dans votre service et si votre équipe a défini une liste de recommandations (concernant p.ex. les informations données au patient, l'implication de l'équipe médicale dans le conflit entre le détenu et l'autorité,...) à l'intention des divers intervenants confrontés à ce problème.
  2. Pourriez-vous également m'indiquer si, en tant que médecin responsable, vous prenez les décisions d'ordre médical en toute indépendance ou si une autorité (judiciaire, pénitentiaire ou gouvernementale) peut dans certains cas imposer une ligne de conduite (p.ex. transfert du patient en milieu hospitalier, réalimentation), quitte à vous de refuser la prise en charge du patient dans ces conditions.
  3. Quelle est votre position par rapport au traitement contre la volonté exprimée par un gréviste de la faim (p. ex. alimentation forcée lorsque le patient refuse de s'alimenter, lorsque des complications apparaissent, lorsque le patient devient inconscient, versus pas d'alimentation forcée) ?
  4. Est-ce que les articles de loi français traitant de l'assistance à personne en danger menacent un médecin qui s'abstiendrait de traiter un gréviste de la faim au nom du droit à refuser un traitement ?
  5. Quels examens de bilan et de suivi clinique et paraclinique effectuez-vous ?
  6. Sur quels critères vous basez-vous pour décider de l'indication à hospitaliser un patient ?
  7. Disposez-vous de statistiques concernant les jeûnes de protestation dans les prisons en France ?
  8. S'il s'en trouve, je suis également intéressé par une brève description de cas ayant posé un problème spécifique ou mettant en évidence un problème éthique particulièrement délicat, dans la mesure où votre obligation de confidentialité vous le permet.

Ayant pour but de faire le point sur la situation dans plusieurs pays, je vous serai reconnaissant de bien vouloir prendre en considération tous les éléments de ce questionnaire, ne serait-ce que pour indiquer que vous n'êtes pas en mesure de répondre actuellement à certaines des questions. Veuillez également nous indiquer si vos propos ne concernent que votre établissement ou s'ils traduisent des positions partagées par les responsables de services médicaux dans des prisons au niveau national.

En vous remerciant pour votre attention, je vous prie de croire, Docteur, à l'expression de mes sentiments les meilleurs,

Patrick Guilbert

b) Réponse du Dr D. Scotto di Fasano, du 25.03.1996, pour le Centre pénitentiaire de Marseille (France)

"Mon Cher Confrère,

Suite à votre envoi du questionnaire, je vous adresse les réponses correspondantes:

  1. Un détenu qui pratique le jeune doit être suivi sur le plan clinique, biologique ainsi que sur l'évolution de son poids. Si une anomalie fonctionnelle survient, il est adressé à l'hôpital des Baumettes. Toute perte de poids supérieure à 10 % du poids initial nécessite son hospitalisation. Excepté des médicaments à visée psychique, tous les autres traitements non vitaux sont interrompus. Si le cas s'aggrave, on averti le Juge d'Application des Peines.
  2. La décision de suivi du gréviste est d'ordre exclusivement médical.
  3. On déclare le détenu gréviste comme un individu libre sur son choix médical, seules des contingences d'ordre vital donnent au médecin la seule initiative du traitement.
  4. Ces articles de loi sont toujours en vigueur. Le refus du médecin peut aboutir à des poursuites.
  5. Examens somatiques et bilans biologiques (iono, R.A, glycémie) prise de poids et T.A, contrôles ECG, éventuellement examens ophtalmologique et neurologique.
  6. Cf. plus haut.
  7. Je n'ai pas de chiffre mais si la grève est intégralement suivie par le détenu, une reconsidération du dossier est entreprise par la magistrature.
  8. Aucune réponse.

Recevez, Mon Cher Confrère, l'expression de mes sentiments les meilleurs. "

c) Réponse du Dr P. E. Brown du 25.3.1996, pour la Grande-Bretagne

"Hunger strikes in prisons.

  1. Hunger strikes represent a specific behaviour disorder designed to exert pressure upon the Prison Authorities in order to achieve an objective, to which, in the opinion of the prisoner, he considers himself entitled. The condition is entirely distinct from pathological eating disorders such as anorexia nervosa, bulimia, psychotic depression, dementia, paranoid delusional states or organic physiologic disorders. If it is evident that none of these conditions are present, physical examination is entirely negative and specialised opinion confirm this not to be the case, the initial procedure is to hold a very thorough discussion with the prisoner, pointing in precise terms the possible adverse effects of starvation upon general health. He should be told that he will be offered meals of his own choice, at the appropriate times and there will be no compulsion by health care staff as to whether he eats it or not. If he refuses, the food is removed from his cell and he is always left with unlimited supplies of water or other drinks of his choice. It is sometimes appropriate to locate the prisoner in a small, possibly five-bedded ward where he will have the company of other patients. It is to be noted that 'peer pressure' is often highly successful and, in any case, if he is offered small amounts of food from fellow prisoners, it is perfectly acceptable for health care staff to 'turn a blind eye'. In this manner, many hunger strikers have found it virtually impossible to continue their food refusal. Every time food or drink is taken, this fact must be recorded by health staff.
    The doctor should explain to his patient that, in order to assess the likely rate at which physical deterioration progresses, it is essential, with his full informed consent, to monitor the daily deterioration that his body is undergoing. The data required includes daily weight, temperature, pulse, respiratory rate and blood pressure, recorded alongside observed approximate food and fluid intake, if any, together with urinary output. Periodic assessment of renal, liver and haematological functions should be made, with the patient's permission, and a daily ward test of a urine specimen, especially for ketonuria, should be carried out. The significance of abnormal findings should be explained to the patient and agreement obtained to allow the doctor to report fully the current medical state of the patient to the prison authorities. This does not imply that the medical team should, at any time, become involved in the conflict between the patient and the authorities. The patient has the right to read, and have copies of, any clinical reports which the doctor has prepared.
  2. The enforcement of any procedure upon the patient by prison authorities, legal or governmental bodies or the patient's family is only acceptable if the patient, for any reason, including loss of consciousness, is unable to express a conscious wish to the contrary. If he has already made it perfectly clear, in writing, and before witnesses, that no resuscitation measures are to be taken and, at that time, he was of normal sound mind, it may well be that the doctor, assisted by a specialised second opinion, will decide to allow events to take their course. There is, under these circumstances, a duty on the part of the doctor, to inform the prison authorities that a grave risk to life exists. The doctor does, however, retain total independence in decision making on medical matters.
  3. Forced feeding is never indicated at the onset of a hunger strike, nor in the event of physical deterioration. If the patient loses consciousness, such a procedure may be available, provided that he has not specifically refused such measures, while conscious, and of a sound mind in the days preceding a coma.
  4. Always providing that the patient has not been mentally ill throughout, and prior to the onset of hunger strike, British law will not threaten a doctor who has adhered closely to the above principals. However, it may be that it would be wise to consider an outside hospital admission in order to provide a higher standard of nursing care than that which might be available within the prison.
  5. The standard practice, with patient's informed consent, is to monitor closely, clinical and laboratory investigations and to record such data on a daily basis.
  6. The grounds for the decision to hospitalise are as detailed above, and it should be emphasised that nursing facilities for a terminally ill patient may be more appropriate in an outside general hospital.
  7. As far as statistical data on hunger strikes in the UK is concerned, I do not at present have any up to date figures. Suffice it to say that death due to hunger striking is indeed a very rare event.
  8. The most severe hunger strike case, for which I have taken medical responsibility, lost over 50% of his body weight. I requested, and obtained, a judicial review of the case and, at that time, the guidelines as above for the management of such cases were clearly agreed by the judge. The patient became aware that judicial advice had be sought and on the realisation that no resuscitation would be made available to him, unless he agreed to such measures, he immediately called a halt to his activity and took nourishment. It is of interest to add that some months later he was diagnosed as suffering from 'severe depressive illness', for which he was transferred to an outside mental hospital.
    This case illustrates the considerable difficulty experienced by competent psychiatrists in distinguishing the food refusal of the manipulative, often psychopathic, prisoner, and those who are clinically depressed from the outset. It can be very fine distinction and the management of such individual case is largely dependent upon the consensus opinion expressed by more than one single psychiatrist. Quite apart from the original intentions of the hunger striker at the onset, the physiological and biochemical changes, which take place as starvation becomes prolonged, in themselves, are conducive to mental instability, unrealistic attitudes, paranoia and erratic behaviour, terminating in severe depressive illness requiring urgent psychiatric treatment.
    Many determined hunger strikers, do in consequence, subsequently require certification under section 47 or 48 of our mental Health Act 1983 and become formal patients in an outside mental Hospital where compulsory treatment is possible. It is to be noted however, that even formal patients suffering from recognisable mental illness do have rights and it is only in life threatening situations that medical intervention, including rehydration, are required in which every such case receive treatment under common law. The very few cases, who have quite manifestly remained of completely sound mind and die of starvation as a result, cannot be subjected to compulsory treatment. As mentioned earlier, these cases usually die in an outside hospital where the nursing facilities may well be superior to the available within the Prison Health Care System. In my own experience these cases are usually of serious political significance and martyrdom may well play an essential part in the patient's motivation."

d) Réponse du Dr J. Espinosa du 22.03.1996, pour l'Espagne

"Lamento mi retraso pero he estado de viaje. A continuación respondo a las preguntas de su cuestionarjo, referentes a los problemas derivados de la huelga de hambre. Las contestaciones representan la situación real en la Institución Penitenciaria española :

  1. En España, la huelga de hambre en prisión implica obligatoriamente al equipo médico de la cárcel, que cuenta con un protocolo que debe cumplir, que incluye la información al paciente de bs riesgos que conlleva y de las exploraciones sanitarias a que va a ser sometido, para que dé su consentimiento.
  2. La decisión la toma siempre el médico, que decide todas las medidas a tomar, incluyendo el traslado inicial a la enfermería de la prisión, para un mejor control y seguimiento y, eventualmente, también el traslado a un hospital o la alimentación forzada. Estas decisiones han de ser comunicadas al Juez de vigilancia, quien también, si no está de acuerdo con la decisión del médico, puede dictar un Auto exigiendo el traslado al hospital o el inicio de la alimentación forzada.
  3. En España no es posible adoptar una posición personal ante las cuestiones derivadas de la huelga de hambre porque existe una Sentencia del Tribunal Constitucional que obliga a tomar todas las medidas que sean necesarias, incluyendo la alimentación forzada, en caso de riesgo para la vida del huelguista. Dicho Tribunal dictaminó que la vida era un bien fundamental, que habia que preservar, por encima del derecho a la libertad del sujeto.
  4. El derecho del enfermo a refutar el tratamiento, que la Ley espanola admite, no puede aplicarse en el caso de huelga de hambre a partir del momento en que exista riesgo para la vida del sujeto, en función de la Sentencia antes citada. Por tanto, el médico tiene el deber de atenderlo contra su voluntad.
    El Reglamento Penitenciano recientemente aprobado dice en su artículo 210 : 'Asistencia obligatoria en casos de urgencia vital : El tratamiento médicosanitano se llevara a cabo siempre con el consentimiento informado del interno. Sólo cuando exista peligro inminente para la vida de éste se podrá imponer un tratamiento contra la voluntad del interesado, siendo la intervención médica la estrictamente necesaria para intentar salvar la vida del paciente y sin perjuicio de solicitar la autorización judicial correspondiente cuando ello fuera preciso'.
  5. Desde el momento en que comienza la huelga de hambre se ha de cumplimentar por el inédico el protocolo que adjunto.
    Se interviene forzadamente cuando el equipo sospecha que existe riesgo para la vida del sujeto.
  6. Pérdida de peso, aparición de signos clinicos de deshidratación y desproteinización, alteración analítica o complicaciones imprevistas, fundamentalinente cardiacas, renales o cerebrales.
  7. Existen pero no dispongo de ellas.
  8. No conozco ningún caso especial. Todos bs casos son difíciles para bs profesionales al tener que intervenir contra lavoluntad del sujeto. Además, la huelga de hambre la suelen protagonizar los miembros de bandas armadas, que divulgan los datos personales de los médicos que intervienen, con la finalidad de intimidarles. En un caso, incluso, han llegado a asesinar a un médico del hospital de Zaragoza.

Afectuosos saludos."

e) Réponse du Dr Th. J. Hans de Man du 18.03.1996, avec statistiques relatives au jeûne de protestation aux Pays-Bas

"Dear Colleague,

In consequence of a two weeks holiday at last I find by now the opportunity to answer your questionnaire on Hunger Strikes in Prison.

  1. Firstly a few remarks on the Johannes Wier Publication to adapt it for the situation in prisons and remand houses. I sent these remarks to all Medical Services in our prisons, remand houses and youth institutions :
    Some hunger strikers insist to be examined and advised by a so-called «trusted doctor», but are not able to name any ; in those cases the prison doctor may make the suggestion of asking another prison doctor, attached in some other prison or remand house to act as «trusted doctor» to the patient. Of course, it is the detainee to decide if he or she accepts this «second opinion» doctor.
    Any examination and/or consultation by a doctor who is not employed by the Ministry of Justice falls under the responsibility of the prison's governor and needs consult of the prison doctor and the Inspector of Prison health Care at the Ministry of Justice.
    Admittance in the Penitentiary Hospital in Scheveningen can be realised without permission of the hungerstriking detainee (as opposite to admittance in a civil hospital, which always needs the permission of the patient).
    Reason is, that the Penitentiary Hospital has the legal status of a remand house, so transferral is a penitentiary measure, which can be done against the will of the patient (but never contrary to his or hers health!).
    The Declaration of Non-Intervention Model (Chapter VI of the publication) is not fully applicable for the penitentiary situation. For instance : a detainee has never the right to require admittance in a «civil» hospital, and does not have the right to refuse admittance in the Penitentiary Hospital in Scheveningen (see above).
  2. As explained above, transferral to the Penitentiary Hospital (but only that!) can occur without permission of the hungerstriking detainee. So, the doctor in charge is not always fully independent in decision making on medical matters.
    Force-feeding is never allowed, except in those cases where a hungerstriker is psychotic, according to the results of a psychiatric examination.
  3. As explained above, I fully support the Johannes Wier publication. So I will never allow any doctor, nurse or prison officer to force-feed a hungerstriking prisoner, premised that he or she has made undoubtedly clear that it is his or her will not to be force-fed.
    Physical deterioration is a biological consequence of the food refusal. So it is the doctor's duty to explain his patient what is going on from time to time, from day to day, and to explain the ultimate consequences.
  4. Every citizen is obliged to offer help to anyone being in danger. But in Dutch jurisprudence it is generally seen as a more serious crime not to respond to the expressed wish of a patient, not to be helped or treated. (This is not limited to hungerstriking people, but to all patients).
  5. The usual clinical and laboratory follow up is described in the Johannes Wier publication (Chapter 5). The prison doctor is always responsible for its implementation.
  6. The decision (or advise, as you want) to hospitalise a patient is based upon the (medical) ascertainment that the institution is not able to offer the physical and mental care which the detainee needs.
    So, not primarily the fact that the prison does not like to have a succumbing hunger striking detainee within its walls will lead to his or hers transferral to any hospital, being it a civil hospital (for which permission from the Prison Service is needed), being it the Penitentiary Hospital in Scheveningen (which has the legal status of a remand house, as mentioned above).
  7. Giving you the following data we need to consider that any incident is reported to the Inspectorate of Prison Health Care, no matter if it is a «real» hunger strike or just a food or drink refusal for one day (The following data have been collected from prisons, remand houses, youth institutions and the so-called TBS-clinics) :

Tabl. 9 : Incidence annuel du jeûne de protestation dans les institutions pénitentiaires aux Pays-Bas, 1986 à 1993
Année 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
Nb de cas 73 35 77 100 108 43 18 18

From then, it was very clear that no conclusions could be drawn from these data, so we didn't collect them anymore.

In fact, the Dutch prison system has never had in all its history thusfar a death by hunger strike, however four or five times a year a serious food and drink refusal takes place in some prison or remand house.

It is my experience, that most of the hunger striking detainees give up their efforts after being transferred to another prison or remand house, where they are not known by anyone, and as a consequence where no loss of face occurs.

8. I feel not able, nor free to give you case histories of hunger striking detainees in Dutch prisons and remand houses. However it may be clear that (thusfar!) no food or drink refusal has lead to a fatal ending...

Dear Colleague, I do hope to have offered you some information you asked for. Kind regards."


12. Bibliographie

Les références bibliographiques non citées dans le texte sont mentionnées dans la dernière référence [94].


Bibliographie non citée dans cette thèse :


[Précédent]