Revues du ciné-club

Révolution ou contre-révolution: du muet au parlant

1983 revolution thumb

Révolution ou contre-révolution: du muet au parlant

La Revue du Ciné-club universitaire, janvier 1983

L'avènement du film parlant bouleversa l'industrie cinématographique entre 1928 et 1931: pour des raisons avant tout économiques.

En 1926, les frères Warner au bord de la faillite tentent un "coup" désespéré: ils présentent un programme sonore avec un film Don Juan, et des numéros de chants synchronisés par un procédé à disques, "Vitaphone".

Le succès remporté enclencha le processus, obligeant les concurrents à produire des films sonores, aiguisant une nouvelle "guerre des brevets" et l'étendant aux autres marchés dans le monde. On peut avoir une petite idée de ces batailles commerciales en regard de celles qui agitent actuellement le secteur de la vidéo (standards, systèmes, droits, etc.).

Le procédé utilisé par les Warner Bros – et l'effet obtenu – n'avait cependant rien d'une nouveauté complète: dès l'invention du cinéma des tentatives avaient été menées pour synchroniser le son et l'image animée. Edison en Amérique, Auguste Baron en France y parvinrent en 1899 et Léon Gaumont en 1910 entreprit l'exploitation commerciale de "films parlants" utilisant des disques. Trop onéreux, ce premier cinéma parlant s'effaça devant le développement de l'art muet. Les recherches cependant continuèrent dans les laboratoires et c'est dans les années 1922-24 que furent mises au point les techniques décisives tant en France (procédé Gaumont-Poulsen-Petersen) qu'en Allemagne (Vogt, Engel, Massolle) et aux USA (Lee de Forest et Th. W. Case inventent la cellule photo-électrique pour diffuser les sons enregistrés photographiquement): celles de l'enregistrement du son sur pelliucule (le son magnétique fut même expérimenté – sur fil d'acier –, mais abandonné pour le cinéma).

Quand la Warner, après "Don Juan", remporte un nouveau triomphe avec "Le Chanteur de Jazz" (1927) – dont on fait généralement le film fondateur du parlant –, l'Europe y voit plutôt une curiosité. En France, Autant-Lara tourne "Construire un feu" avec la technique de l'hypergonar du Professeur Chrétien – ancêtre du cinémascope – et on présente le "Napoléon" d'Abel Gance à l'Opéra de Paris dans une version polyvisée sur triple-écran; la novueauté de ce dernier film paraît alors sans commune mesure avec l'adjonction d'une voix nasillarde à une image assez pauvre!

C'est le succès commercial des "talkies" amàricains qui, en 1928, oblige les Européens à changer d'avis. La Paramount envoie en Europe Jesse L. Lasky annoncer la fin du "muet", la Grande-Bretagne est touchée par le déferlement du "parlant" tandis que Léon Gaumont lance son procédé de sonorisation (son handicap tenait à la nécessité d'utiliser deux pellicules, l'une pour le son, l'autre pour l'image; son avantage était de ne pas empiéter sur l'image dont la piste sonore diminua le format).

En 1929 on présente "Le Chanteur de Jazz" en France (son interprète, Al Jolson, était aussi populaire que Maurice Chevalier) et après une brève période d'incertitude et de controverse (y compris de la part du public dont on demande l'avis à l'entrée de certaines salles), l'année 1930 voit le ralliement de l'industrie européenne du "parlant".

L'ampleur du mouvement amorcé Outre-Atlantique, la domination du trust Western Electric, suscitent, en Allemagne, la constitution d'un konzern, la Tobis-Klangfilm, décidée à s'emparer pendant qu'il est encore temps du marché européen. Une guerre commerciale – procès divers, guerre de brevets, exclusivités, barrages douaniers, etc. – opposera la Western à la Tobis.

Pendant que la Paramount installe des studios à Joinville pour tourner des versions françaises, allemandes, etc. (il y eut des productions en quatorze langues) et s'assurer ainsi l'hégémonie en Europe, les autres firmes "importent" cinéastes et vedettes à Hollywood, pendant que la Tobis, associés désormais à l'UFA, ouvre un studio à Epinay et engage René Clair!

Ce bouleversement technique et économique modifie considérablement les conditions de production et d'exploitation du cinéma: en résumé, il accélère les regroupements, concentrations, absorptions et constitutions de circuits sous la domination du capital financier, tandis qu'est éliminé le cinéma expérimental et indépenant alors à son apogée.

Par ailleurs cette industrie est un art.

Extrait de l'introduction de la Revue

Sommaire

  • François Albera, Du muet au parlant: révolution ou contre-révolution?, pp.3-7
  • Programmation, pp.8-9
  • Extrait de Youri Tynianov, "Le cinéma – le mot – la musique" in La Vie de l'Art no 1, 1er janvier 1924, trad. Sylvie Joutet, pp.10-11
  • Extrait de Roman Jakobson, "Décadence du cinéma?" in Listy poumeni a Kriticu, 1933, trad. Marguerite Derrida, p.12
  • Extrait de Erwin Panofsky, "Style et matériau au cinéma", 1934, trad. Dominique Noguez, pp.13-14
  • Extrait de Bela Balasz, L'Esprit du cinéma, 1930, p.15

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Pour citer la Revue

La Revue du Ciné-club universitaire: Révolution ou contre-révolution: du muet au parlant. Janvier 1983 (1).

Production

Ciné-club universitaire

cineclub(at)unige.ch

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Le procédé utilisé par les Warner Bros – et l'effet obtenu – n'avait cependant rien d'une nouveauté complète: dès l'invention du cinéma des tentatives avaient été menées pour synchroniser le son et l'image animée. Edison en Amérique, Auguste Baron en France y parvinrent en 1899 et Léon Gaumont en 1910 entreprit l'exploitation commerciale de "films parlants" utilisant des disques. Trop onéreux, ce premier cinéma parlant s'effaça devant le développement de l'art muet. Les recherches cependant continuèrent dans les laboratoires et c'est dans les années 1922-24 que furent mises au point les techniques décisives tant en France (procédé Gaumont-Poulsen-Petersen) qu'en Allemagne (Vogt, Engel, Massolle) et aux USA (Lee de Forest et Th. W. Case inventent la cellule photo-électrique pour diffuser les sons enregistrés photographiquement): celles de l'enregistrement du son sur pelliucule (le son magnétique fut même expérimenté – sur fil d'acier –, mais abandonné pour le cinéma).

Quand la Warner, après "Don Juan", remporte un nouveau triomphe avec "Le Chanteur de Jazz" (1927) – dont on fait généralement le film fondateur du parlant –, l'Europe y voit plutôt une curiosité. En France, Autant-Lara tourne "Construire un feu" avec la technique de l'hypergonar du Professeur Chrétien – ancêtre du cinémascope – et on présente le "Napoléon" d'Abel Gance à l'Opéra de Paris dans une version polyvisée sur triple-écran; la novueauté de ce dernier film paraît alors sans commune mesure avec l'adjonction d'une voix nasillarde à une image assez pauvre!

C'est le succès commercial des "talkies" amàricains qui, en 1928, oblige les Européens à changer d'avis. La Paramount envoie en Europe Jesse L. Lasky annoncer la fin du "muet", la Grande-Bretagne est touchée par le déferlement du "parlant" tandis que Léon Gaumont lance son procédé de sonorisation (son handicap tenait à la nécessité d'utiliser deux pellicules, l'une pour le son, l'autre pour l'image; son avantage était de ne pas empiéter sur l'image dont la piste sonore diminua le format).

En 1929 on présente "Le Chanteur de Jazz" en France (son interprète, Al Jolson, était aussi populaire que Maurice Chevalier) et après une brève période d'incertitude et de controverse (y compris de la part du public dont on demande l'avis à l'entrée de certaines salles), l'année 1930 voit le ralliement de l'industrie européenne du "parlant".

L'ampleur du mouvement amorcé Outre-Atlantique, la domination du trust Western Electric, suscitent, en Allemagne, la constitution d'un konzern, la Tobis-Klangfilm, décidée à s'emparer pendant qu'il est encore temps du marché européen. Une guerre commerciale – procès divers, guerre de brevets, exclusivités, barrages douaniers, etc. – opposera la Western à la Tobis.

Pendant que la Paramount installe des studios à Joinville pour tourner des versions françaises, allemandes, etc. (il y eut des productions en quatorze langues) et s'assurer ainsi l'hégémonie en Europe, les autres firmes "importent" cinéastes et vedettes à Hollywood, pendant que la Tobis, associés désormais à l'UFA, ouvre un studio à Epinay et engage René Clair!

Ce bouleversement technique et économique modifie considérablement les conditions de production et d'exploitation du cinéma: en résumé, il accélère les regroupements, concentrations, absorptions et constitutions de circuits sous la domination du capital financier, tandis qu'est éliminé le cinéma expérimental et indépenant alors à son apogée.

Par ailleurs cette industrie est un art.

Extrait de l'introduction de la Revue

Sommaire

  • François Albera, Du muet au parlant: révolution ou contre-révolution?, pp.3-7
  • Programmation, pp.8-9
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