Enseignement primaire

Les lieux: quelle alternance?

Les besoins | Les buts | Les méthodes | Les lieux | Les temps

  • La formation pour l’enseignement primaire est organisée par modules échelonnés, associant les expériences pratiques dans les classes et des groupes d’analyse à l’Université.
  • Dans les classes, des praticiennes et praticiens expérimentés forment et conseillent les novices ; à l’Université, des spécialistes des différentes didactiques disciplinaires et des questions pédagogiques transversales tissent des liens entre les expériences vécues et les savoirs issus de la recherche.

Les dimensions théoriques et pratiques de la formation sont intimement liées. Le but est d’initier peu à peu la relève à l’exercice plein et entier du métier, en protégeant à la fois ses apprentissages et ceux des élèves qui participent à ses premiers essais. Dès la première année d’études, des cours d’introduction dans les domaines clés (profession enseignante, didactiques des disciplines, psychologie de l’apprentissage, sociologie de l’éducation, histoire de l’instruction publique…) sont accompagnés d’un stage consacré à l’observation participante sur le terrain. Les idéaux sont immédiatement mis à l’épreuve du réel, pour que les candidates et candidats s’orientent en connaissance de cause vers un travail qu’ils et elles ont connu en tant qu’élève mais dont les coulisses peuvent souvent les surprendre.

Après la procédure d’admission, les études s’organisent par modules échelonnés, associant les expériences pratiques dans les classes et des groupes d’analyse à l’Université. Ateliers thématiques, séminaires de recherche, plateformes collaboratives, projets personnels, enquêtes collectives et travail final d’intégration contribuent à tisser ensemble action et réflexion. Ce choix d’une progression en alternance développe petit à petit la compréhension et la maîtrise des gestes professionnels. Sur cette base, les enseignants et enseignantes en formation assument une responsabilité de plus en plus grande dans la conduite du travail scolaire et sa préparation.

Pour ce faire, chaque volée est encadrée par deux ensembles de formatrices et de formateurs : sur le terrain, des praticiens et praticiennes expérimentées et formées à l’accueil et au conseil professionnel ; à l’Université, des spécialistes des différentes didactiques du plan d’études et des questions pédagogiques transversales (apprentissage scolaire, autorité éducative, gestion de classe, différenciation, évaluation, relations familles-école…). Les deux parties collaborent pour assumer la co-responsabilité de l’accompagnement des apprenties et apprentis enseignants, dans un partenariat étroit entre le terrain et la recherche, chapeauté par une convention signée entre l’Université et le Département genevois de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Durant les quatre années de formation, les premières découvertes laissent ainsi et peu à peu place à une pensée et une action professionnelle de plus en plus autonome. Les stages s’enchaînent dans une dizaine d’écoles différentes (en ville ou en campagne ; en contexte ordinaire, prioritaire ou spécialisé ; dans les petits et les grands degrés), dont l’un en Suisse alémanique. À l’Université, les regroupements ponctuels ou égrainés au fil de l’année ont pour fonction d’interroger les différentes pratiques et de les confronter aux savoirs de la recherche pour les améliorer. Les novices passent progressivement d’interventions ponctuelles à la responsabilité totale de la classe, incluant tout le travail d’arrière-fond dont ils ne peuvent prendre conscience qu’en l’assumant. Ils et elles se projettent ainsi vers leur premier emploi, l’instruction publique prenant le relais pour encadrer leur prise de fonction.

 

Une situation de formation
Histoire et vérité

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Dans un atelier de didactique de l’histoire, un groupe de novices se demande comment enseigner, conformément au programme, la différence entre mythe et réalité. Faut-il présenter Guillaume Tell comme un héros national, sa flèche dans une pomme comme un exploit historique ou une légende trop belle pour être crue? Quelques membres du groupe voudraient déconstruire l’imagerie, voire la prohiber. D’autres trouvent que ce serait exagéré, et que déclarer qu’elle est fausse est aussi dogmatique que de la décréter vraie. La formatrice propose alors d’enquêter: Genève a son récit fondateur, celui de la bataille de l’Escalade ayant opposé la ville au duc de Savoie après la Réforme; le prochain stage ayant lieu durant la fête annuelle, comparons les manières dont l’événement est commémoré, en particulier dans les classes où le corps enseignant évoque les traditions locales sur un mode plus ou moins critique ou enchanté. Car les stagiaires observent en effet des pratiques contrastées, entre narration patriotique et mise en cause de son regard orienté. De retour à l’Université, le groupe imagine une démarche qui placera les élèves dans le rôle d’un ou une historienne étudiant deux récits de l’époque : signés d’un pasteur genevois et d’un prêtre de Savoie. Le but est de croiser la lecture de ces deux sources, pour enseigner la distinction décisive entre croyance et savoir, rivalité des identités et quête de vérité. La formation en alternance combine ainsi expériences de terrain et réflexion méthodique à leur propos, pour mettre la diversité des pratiques au service d’une seule instruction publique.