Automne 2018

"Un monde de chercheurs.ses (II). Méthodes, (res)sources et terrains".

Le cycle de conférences publiques "Enjeux sociaux – enjeux spatiaux"offre un panorama des approches de l'espace et du territoire dans les sciences sociales, en mettant en perspective la diversité des points de vue théoriques et méthodologiques. Lieu d'échanges et de débats, il a aussi pour objectif d'aider les étudiants de Master de géographie à concevoir leurs propres sujets de recherche.

L'édition de l'automne 2018 sera de nouveau consacrée au "monde des chercheurs.ses", en portant cette fois une attention particulière aux questions engendrées par le choix, la collecte et l'analyse de sources, et aux défis posés par les enquêtes de terrain, qu'elles soient menées dans des espaces proches ou éloignés, des mondes virtuels, des archives ou à travers la littérature. Géographes et spécialistes d'autres disciplines présenteront les postures épistémologiques, les méthodes et les protocoles d'enquête qui caractérisent leurs recherches, en interrogeant notamment le rapport entre les théories mobilisées et les difficultés rencontrées dans la pratique. Une grande place sera accordée à la ville sous toutes ses formes.

[photo: © Matthieu Gafsou]

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Jeudi 12h30-14h, automne 2018

Université de Genève - Uni Carl-Vogt
Salle CV001 (anciennement B001)
Boulevard Carl Vogt 66
Genève
       
Entrée libre    
 

CALENDRIER
Attention, le programme initial a été modifié!

Jeudi 20 septembre 2018

Introduction générale et présentation de l'évaluation

Jeudi 27 septembre 2018
Raphaël Languillon-Aussel, Université de Genève
L'évaluation qualitative des skylines urbaines par photo-questionnaires et ses enjeux méthodologiques et politiques

Depuis les années 2000, les villes européennes connaissent une rapide verticalisation de leur tissu à la suite de la multiplication des projets d'aménagement de bâtiments de grande hauteur. Après plus de trente ans d'absence, les tours sont de retour en Europe. Très politique, le phénomène, pourtant peu encadré par les législations nationales, a généré de vifs débats dans les sociétés civiles de nombreux pays, ainsi qu'au sein des populations locales concernées par les projets de verticalisation. Les paysages urbains ont été parmi les composantes les plus touchées à la fois par les transformations opérées par la verticalité et par les crispations politiques des débats publics. Dans ce contexte sensible, les mesures qualitatives des silhouettes urbaines verticalisées – les skylines – sont devenues nécessaires à la fois dans les échanges lors des phases de consultations publiques, ainsi que lors des débats sur l'encadrement législatif et règlementaire de la grande hauteur urbaine. Dans cette démarche de caractérisation des skylines, les chercheurs mobilisés ont parfois recours à des photo-questionnaires. D'usage très simple, le photo-questionnaire a pourtant de nombreux biais méthodologiques, qu'il convient de présenter et de discuter.
Raphaël Languillon-Aussel est chercheur et chargé de cours à l'Université de Genève, et membre du pôle Gouvernance de l'Environnement et Développement Territorial de l'Institut des Sciences de l'Environnement. Docteur et agrégé de géographie, ancien élève de l’École normale supérieure de Lyon, il mène des recherches s'inscrivant dans le champ des études urbaines, de l'aménagement et de l'économie politique, et s'intéresse, entre autres, aux phénomènes de verticalisation des métropoles européennes et est-asiatiques.

Jeudi 4 octobre 2018
Maxime Boidy, Université Paris-Est
Le black bloc, (in)visibilité urbaine : de quelques enjeux sociaux, spatiaux et esthétiques de l’anonymat politique

Le black bloc est une tactique urbaine qui consiste à manifester cagoulé et vêtu de noir afin de préserver collectivement l’anonymat militant. Apparue dans les milieux anarchistes et autonomes de l’ex-Allemagne de l’ouest durant les années 1980, elle a rapidement fait l’objet d’une dissémination transnationale, notamment avec l’essor du mouvement altermondialiste pendant les années 2000. Cette intervention propose de repenser le black bloc comme phénomène esthétique et politique en suivant deux axes d’analyse. Le premier axe concerne les visibilités urbaines en référence aux nombreux usages théoriques militants du concept de « visibilité », par comparaison avec les usages savants du concept en sociologie de l’espace (A.M. Brighenti, Visibility in Social Theory and Social Research, 2010). Le second axe concerne l’héritage des savoirs critiques de l’urbanisme développés au sein de l’Internationale situationniste (1957-1972), en particulier les idées de « situation construite » et de « dérive » (G. Debord, « Théorie de la dérive », 1956). Ces différents aspects seront abordés sous l’angle épistémologique et méthodologique en regard d’autres méthodes qualitatives en sciences sociales, notamment visuelles.
Maxime Boidy est maître de conférences en études visuelles à l’Université Paris-Est à Marne-la-Vallée et chercheur associé au LabToP – CRESPPA. Ses recherches portent notamment sur l’histoire intellectuelle des savoirs visuels, l’iconographie politique et les esthétiques de la représentation. Il a récemment préfacé et coordonné la réédition de Techniques de l’observateur : Vision et modernité au 19ème siècle de Jonathan Crary (Éditions Dehors, 2016) et publié Les Études visuelles (Presses Universitaires de Vincennes, 2017).

Jeudi 11 octobre 2018
Vanessa Schwartz, University of Southern California
Fluid Motion: The Jet Age Airport and Flow (en anglais)

This talk considers the advent of jet transport and the culture of mobility and flow it entailed. It examines the way new airports built in the 1960s made way for what was not only the fastest but also the least “experiential” form of transport. This process typified how the built environment became dematerialized as a response to the notion of “sensationless” travel made possible by the jet’s fluid motion, rather than the brute fact of its speed. In his landmark study, The Railway Journey, Wolfgang Shivelbusch argued that the train created a new kind of vision. Despite the many visually-oriented studies regarding aviation that insist on the tactics of the “view from above,” period descriptions of being in a jet explain that it felt like one would “glide” or feel and see nothing at all while aloft. I argue that the airport extended this experience to the ground. In this way, this study suggests that in the jet transport came to reconfigure subjective experience and re-choreographed people’s relation to space. Transport became a form of media which dematerialized the spatial experience. Such jet age aesthetics prepared the way for the network society where people could “surf” the internet without going anywhere at all. This paper also simultaneously considers the theories of Lawrence Alloway and Reyner Banham who studied culture in order to redefine it across space, and beyond national borders, and by traversing media forms.  This development, I suggest, made it easier to reimagine the operations of visual media as part of a global network, and this moment has shaped not only mass media but also our study of it ever since.
Historienne de la culture visuelle contemporaine, Vanessa R. Schwartz est Professeure d'histoire, d'histoire de l'art et de cinéma à la University of Southern California à Los Angeles, et directrice du Visual Studies Research Institute. Elle a récemment co-dirigé l'ouvrage Getting the Picture - The Visual Culture of the News (2015, ed. Bloomsbury). Elle est l'auteur de nombreux articles et de plusieurs monographies : It’s So French ! Hollywood, Paris and the Making of Cosmopolitan Film Culture (University of Chicago, 2007) et Spectacular Realities: Early Mass Culture in fin-de-siècle Paris (University of California, 1998).

Jeudi 18 octobre 2018
Muriel Monnard, Université de Genève
Observer les espaces entre-deux en milieu scolaire : une histoire de « juste » distance

Cette communication, issue des résultats d’une recherche doctorale menée en cycle d’orientation à Genève, présentera quelques défis méthodologiques qu’implique une étude des rapports de pouvoir entre jeunes en milieu scolaire. Nous discuterons des difficultés d’accès à un terrain surveillé et protégé par les adultes, des choix méthodologiques pris au fil d’une observation de plus en plus participante dans la cour de récréation, puis de l’intérêt de considérer les fausses-notes ou situations de malaise pour l’enquêtrice dans l’analyse des données. Conduire une étude ethnographique dans les espaces de transition (couloir, escalier, cour) requiert des ajustements permanents pour trouver la juste distance avec la population enquêtée. Cette quête de la juste distance, à appréhender tant sur le plan symbolique que physique, est non seulement un besoin pour l’analyse mais aussi une question éthique face à un public captif qui n’a pas choisi d’être observé.
Muriel Monnard a soutenu en 2017 une thèse s’inscrivant dans la géographie des enfants et des jeunes et portant sur les rapports de pouvoir dans les espaces scolaires. Après avoir été assistante d’enseignement au département de géographie de Genève, elle enseigne à présent la géographie dans le secondaire obligatoire genevois.

Jeudi 25 octobre 2018
Bruno J. Strasser, Université de Genève
La cuisine, le grenier, le garage: les espaces domestiques de la production des savoirs

Un projet de recherche sur la participation publique dans la production des savoirs scientifiques nous a conduit à explorer une étonnante diversité de sources digitales à une échelle déroutante. Nous avons collecté des traces numériques de près de dix millions de personnes, comprenant des récits autobiographiques, des autoportraits, des images d’espaces intérieurs, ainsi que  des chiffres représentant une activité en ligne en un instant et un lieu donnés. Comment interpréter et articuler ces sources qui s’ancrent dans des échelles spatiales — de l’hyper-local au global —  si différentes? Je n’ai pas de réponse, mais peut-être qu’ensemble nous pourrons esquisser quelque pistes pour repenser les pratiques numériques dans la sphère domestique.
Le Professeur Bruno J. Strasser est biologiste et historien des sciences. Il cherche à comprendre les transformations récentes des sciences de la vie et les liens qui relient les sciences et la société. Il dirige le Bioscope de l'UNIGE.

Jeudi 1er novembre 2018
Fares Mahmoud, Université de Genève
Infrastructures de transport interurbain et développement des territoires: exemple de la Syrie

Cette intervention interrogera les effets sur le développement du territoire de la mise en place de nouvelles infrastructures du transport interurbain en Syrie à partir de deux exemples : l’autoroute « Damas-Amman » et la route nationale « Damas-Der Ez Zor ». Cette étude a consisté à comparer la situation de ces zones avant la mise en service des infrastructures et après. Une enquête par sondage a été réalisée en 2008 auprès de 115 entreprises situées à proximité de l’autoroute. Il s’agissait de reconstituer toutes les variables qui jouent un rôle dans la localisation des activités en Syrie et de dégager la pertinence de l’autoroute et son influence sur la structuration du développement des activités économiques.
Le Dr Fares Mahmoud est géographe, spécialiste de la géographie du transport, l’infrastructure du transport interurbain et le développement du territoire.

Jeudi 8 novembre 2018
Semaine de lecture

Jeudi 15 novembre 2018
Mélanie Pétrémont, Université de Genève
L’utilisation de la vidéo dans une perspective féministe et décoloniale en sciences sociales. Enjeux de méthode.

Cette intervention s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale portant sur l’humour en tant qu’espace de résistance au racisme au quotidien des comédien-ne-s Noir-e-s en Europe postcoloniale contemporaine. Elle questionnera les enjeux méthodologiques relatifs à l’utilisation de la vidéo comme méthode ethnographique dans une perspective féministe et décoloniale. En s’appuyant sur le travail en cours, elle discute le caractère heuristique de cet outil mobilisé pour les méthodes d’entretien, d’observation participante et d’autoethnographie, ainsi que la réflexivité de la chercheuse sur le terrain.
Mélanie-Evely Pétrémont est formée en sociologie à l’Université de Genève et en philosophie et critique contemporaine de la culture à l'Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis. Elle est actuellement doctorante en géographie à l’Université de Genève.

Jeudi 22 novembre 2018
Patrick Naef, Pauline Plagnat, Université de Genève
Quelle place pour des experts ‘non-académiques’ dans la recherche interdisciplinaire associée au développement urbain ? Présentation du projet "Closing the Loop: Enhancing Interdisciplinarity in Research and Teaching"

Cette recherche, initiée en 2017, a pour but d’analyser le rôle d’experts non-académiques (acteurs du secteur public et privé, ainsi que des organisations internationales et non-gouvernementales) dans les projets de recherche et d’enseignement associés au développement urbain durable en Suisse et en Europe. À travers l’observation de diverses approches de l'espace urbain et du territoire, il s’agit de questionner le statut du ‘chercheur’ en mettant à l’épreuve la dichotomie supposée entre acteurs ‘académiques’ et ‘non-académiques’. Nous présenterons des résultats intermédiaires, issus principalement d’entretiens semi-directifs et de focus groupes. En mobilisant le champ du développement urbain durable, nous souhaitons proposer des pistes pour favoriser des mécanismes inter- et transdisciplinaire dans l’enseignement et la recherche, dans un contexte marqué par de nombreuses barrières structurelles, institutionnelles et culturelles.
Pauline Plagnat, chargée de cours à l'Institut des Sciences de l'environnement (ISE) dans le Master Universitaire en sciences de l'environnement (MUSE), est une économiste du développement. Son enseignement porte sur les politiques environnementales, les enjeux développement-environnement, l'économie écologique ou encore l'interdisciplinarité. Ses terrains de recherche se situent principalement en Corée du Sud, en Afrique (Mali) et en Europe.
Patrick Naef est collaborateur scientifique à l'Institut des Sciences de l'environnement (ISE), titulaire d’un doctorat en Géographie de l’Université de Genève depuis 2014 et d'un post-doctorat au département d’anthropologie de l’Université de Californie à Berkeley. Ses travaux, à la croisée de l’anthropologie et de la géographie sociale et culturelle, portent sur les liens entre violence et mémoire dans des contextes urbains, notamment dans des quartiers périphériques de Medellin en Colombie.

Jeudi 29 novembre 2018
Olivier Graefe, Université de Fribourg
Les dilemmes éthiques de la recherche en Afrique

Mener une recherche dans un pays africain et essayer de comprendre une réalité sociale étrangère à la sienne signifie faire face à de nombreux défis méthodologiques et éthiques. En dehors des problèmes sémantiques et des catégories utilisées, il s’agit de se positionner par rapport aux attentes des populations et des administrations locales, et à celles des institutions de coopération internationale tout en suivant les principes déontologiques de la recherche en sciences sociales. La présentation tentera de tirer un bilan sur quelques recherches de terrains menées depuis les années 1990 en Namibie, au Maroc et au Soudan.
Olivier Graefe est professeur en Géographie humaine à l’Université de Fribourg depuis 2007. Ses domaines de recherches sont la géographie sociale, en particulier les relations entre nature et société, et l’écologie politique des ressources naturelles (plus spécialement l’eau, le foncier, les parcs naturels et plus récemment la faune). Ses derniers projets portent sur les implications de l’individualisation du régime foncier dans les zones communautaires en Namibie et les négociations morales dans la gestion de Parcs Nationaux en Nouvelle Zélande et en Suisse.

Jeudi 6 décembre 2018
Jean-François Bert, Université de Lausanne
Délocaliser le lexique géographique : Foucault une nouvelle fois à l’œuvre.

Le rapport de Foucault à la géographie ne fait pas l’ombre d’un doute. Il suffit de le lire pour se rendre compte de l’emploi de nombreux mots qui teinte son discours d’un intérêt pour le spatial : hétérotopie, espace, réseau, dispersion, panoptique… Lui-même évoque, lors d'un entretien, ses « obsessions spatiales ». L’objet de cette intervention ne sera pas de déterminer quel genre de géographie Foucault a écrit, ni d’ailleurs si il a révolutionné la discipline, mais de proposer un pas de côté, sous forme de recommandations, pour celles et ceux qui, comme géographes, cherchent à sortir de la vulgate théorique qui entoure ses hypothèses pour au contraire opérer un véritable travail réflexif et dessiner de nouveaux usages, empiriquement informés.
Jean-François Bert est sociologue et historien des sciences sociales. Maître d’enseignement et de recherche à l’université de Lausanne, il s’intéresse à l’anthropologie des pratiques culturelles et savantes et à leur manifestation matérielle. Il a produit de nombreux travaux sur Michel Foucault. Parmi ses ouvrages, on citera : Introduction à Michel Foucault (La Découverte, 2011) et le récent Comment pense un savant, un physicien des Lumières et ses cartes à jouer (Paris, 2018). Il participe au projet « Abécédaires des mondes lettrés »

Jeudi 13 décembre 2018
Hervé Munz, Yannick Rousselot, Université de Genève
Des plis et des prises. De quelques appropriations méthodologiques de Deleuze et Guattari en géographie et en anthropologie

Depuis une quinzaine d’années, les écrits de Deleuze et Guattari jouissent d’une importante postérité conceptuelle dans des champs aussi variés que les sciences humaines ou les arts du spectacle. Au carrefour de la géographie politique et de l’anthropologie des techniques, notre contribution tentera de répondre comment certains des concepts élaborés par Deleuze et Guattari sont-ils convertissables en méthodologies. Yannick Rousselot s'attachera à montrer au travers de sa recherche de thèse comment l'étude des territoires hydrosociaux des métropoles de Johannesburg et de Los Angeles aux trajectoires historiques très contrastées et cependant soumises à des contraintes environnementales, des fragmentations socio-spatiales et des tensions raciales analogues peut signifier d'un point de vue méthodologique en terme d'un comparatisme "immanent". Hervé Munz cherchera à montrer comment les outils conceptuels que développent Deleuze et Guattari dans "Rhizome" lui ont fourni différentes "prises" méthodologiques pour mener deux enquêtes ethnographiques, l'une sur les formes d'appropriation d'un outil de gestion des irrigations au sein d'un groupe d'agriculteurs toulousains, l'autre sur l'opération de mise en patrimoine d'une pratique comme l'horlogerie suisse et les "biais territorialo-centrés" qu'elle induit.
Hervé Munz est docteur en anthropologie de l'Université de Neuchâtel. Après avoir mené des recherches postdoctorales sur les rapports entre l'industrie du luxe suisse et la Grande Chine aux universités de Hong Kong et de Londres (2015-2016), il coordonne un projet de recherche sur l'invocation de la mondialité dans le Patrimoine Culturel Immatériel de l'UNESCO à la Faculté des sciences de la société de l'Université de Genève. Il a récemment publié La transmission en jeu : apprendre, pratiquer, patrimonialiser l'horlogerie en Suisse aux éditions Alphil. Diplômé de sciences politiques et d'études du développement, Yannick Rousselot est assistant-doctorant au département de géographie et environnement de l'UNIGE. Ses recherches s’inscrivent dans le champ de la Political Ecology. Sa thèse porte sur les enjeux de justice environnementale liés à l'eau dans les métropoles de Johannesburg et de Los Angeles.

Jeudi 20 décembre 2018
Alice Ateria­nus-Owanga, Université de Lausanne
« Hétérotopies » dansées : ethnographie multi-située des mondes du sabar en migration

Différentes recherches en anthropologie de la danse ont démontré que les pratiques et les interactions survenant dans les espaces de danse pouvaient momentanément remettre en question, inverser ou dissoudre des hiérarchies et des normes sociales. Les espaces de danse représentent en ce sens de puissantes incarnations du concept d’ « hétérotopie », proposé par Michel Foucault. Afin de réfléchir à cette dimension hétérotopique des espaces de danse, cette présentation se basera sur une ethnographie multi-située des mondes du sabar, une performance de musique et de danse sénégalaise qui s’est récemment diffusée au travers du monde, via les routes de la migration et du tourisme. Nous verrons comment la recomposition des espaces de performance du sabar en Europe accompagne à la fois l’affirmation d’une identité sénégalaise diasporique, et la redéfinition des frontières de l’africanité ou de la blanchité. L’ethnographie des mondes de la danse offre un puissant révélateur de la manière dont les catégories identitaires et les frontières sociales sont produites, négociées ou reconfigurées au travers d’interactions situées – en l’occurrence les interactions dansées – et des émotions qu’elles génèrent.
Alice Ateria­nus-Owanga est anthropologue, actuellement Maitre-Assistante à l’Uni­ver­sité de Lausanne. Après 8 années de recherche ethnographique sur le hip-hop et les musiques urbaines au Gabon, elle travaille désormais sur les constructions identitaires et les parcours migratoires développés autour de la circulation des danses sénégalaises en France et en Suisse. Auteure d'articles et de films docu­men­taires, elle a co-dirigé deux ouvrages sur l'anthropologie des pratiques musicales et dansées.