Automne 2022

 

Im/mobilités dans un monde globalisé

 

Au travers du thème Im/mobilités dans un monde globalisé, l'édition de l'automne 2022 du cycle de conférences publiques "Enjeux sociaux – enjeux spatiaux" (ES2) propose de s'intéresser aux différentes formes de mobilités que nous rencontrons et pratiquons et qui traversent et composent nos espaces de tous les jours. Mobilités quotidiennes, mobilités résidentielles ; de travail, de loisir, de mode de vie ; mobilités intra-urbaines ou en milieu rural ; mobilités transfrontalières, mais aussi voyage, tourisme, migrations ; accès aux transports et modes de déplacement, les mobilités appellent à penser la diversité de leurs échelles et espaces d'action, tout comme la variabilité de leurs rythmes et temporalités, ainsi que les imaginaires qui les sous-tendent et qu'elles produisent tout à la fois.

 


A3_EnjeuxSociaux-Spatiaux_Automne2022_vignette535.pngImage : © Adobe Stock

Dans un monde globalisé où être mobile apparait autant désirable qu'inéluctable, se pose alors la question de savoir qui est mobile, ou, quand et comment, ainsi que la question du lien entre imaginaires et pratiques de mobilité et dimension sociale et identitaire. Produit des rapports de pouvoir qui les façonnent, les mobilités ne peuvent être pensées sans les immobilités qu'elles supposent ou engendrent. Contraintes ou choisies, permanentes, durables ou non, humaines ou non-humaines, les im/mobilités, dans leur diversité, posent de nouveaux défis dans un monde en mouvement.

Ce cycle de conférences se veut être un lieu d'échanges et de débats dans lequel des chercheurs et chercheuses à différents niveaux d'avancement de leur carrière et issus de différentes disciplines – notamment géographie, sociologie, anthropologie, histoire – viennent présenter leurs travaux théoriques, empiriques et méthodologiques sur cette thématique. Au-delà d'un effort de définition des contours de la mobilité et de la place qu'elle occupe dans notre société contemporaine, cet ensemble de conférences permettra de mener une réflexion sur les catégories de recherche et les méthodes utilisées, ceci afin d'outiller les étudiant.es du master de géographie pour la conception de leurs propres sujets de recherche.

 

Jeudi 12h30-14h, automne 2022

Conférences  accessibles à tou.tes 
Salle CV001 (rez-de-chaussée)
66 Boulevard Carl-Vogt


         

CALENDRIER

Jeudi 22 septembre 2022

Séance de présentation

Jeudi 29 septembre 2022
Patrick Rérat
Le retour du vélo. Pratiques, urbanisme, politique

Le vélo ne manque pas d’atouts : silencieux, sain, propre, économe en surface et bon marché. Son développement est de plus en plus intégré dans les agendas politiques ou du moins dans les discours. Mais qu’en est-il réellement sur le terrain? Comment se situe la Suisse en comparaison internationale? Quels sont les facteurs qui incitent les pendulaires à enfourcher leur bicyclette ou au contraire à y renoncer? Que changent les vélos à assistance électrique dont les ventes battent des records année après année? Quels sont les obstacles matériels et immatériels au développement de la pratique du vélo? Comment repenser les villes pour faire davantage de place aux mobilités actives? Cette conférence se base sur les nombreuses recherches menées par l’Observatoire universitaire du vélo et des mobilités actives de l’Université de Lausanne (OUVEMA).

Patrick Rérat est professeur ordinaire de géographie des mobilités à l’Université de Lausanne. Il est le co-fondateur et le co-directeur de l’OUVEMA, l’Observatoire universitaire du vélo et des mobilités actives.

Jeudi 6 octobre 2022
Parvati Raghuram
International student fees: flows, volatility and non-circulation

Higher Education is increasingly bought and sold as a commodity, following market principles. The significance of international student fees in subsidising national educational systems in some countries of the global North has become particularly evident after international student mobility has been interrupted in the context of COVID-19. In response Higher Education institutions aim to expand their distance education provision internationally as one way of retaining international students. This paper will look at the quandaries of mobilities and immobilities as they play out in fee flows. It looks at the entanglement of education, money and other markets in creating flows, volatility and complete blockages in circulation.
Parvati Raghuram is a professor of geography and migration at the Open University in the United Kingdom. She has published widely on retheorising migration of international students, skilled migrants and that of care-workers. She did her BA and MA at the University of Delhi, India.

Jeudi 13 octobre 2022
Cristina Del Biaggio
Dernier arrêt, les Alpes. La fabrication d’un régime frontalier meurtrier en Europe

Les politiques migratoires ont rendu le passage des frontières difficile, dangereux, parfois mortel. Les parcours sont ainsi marqués par la violence, aux frontières extérieures européennes comme à celles qui se situent à l’intérieur du continent. Dans les Alpes, les "indésirables" sont ainsi obligé·es de se heurter à la matérialité de la roche, au froid des hivers alpins, aux falaises dessinées par l'orographie. C’est le résultat de la weaponization de l’espace alpin, l'action de transformer en arme, par celleux qui mettent en œuvre des politiques hostiles aux exilé·es, les éléments naturels présents dans la zone frontalière et issus de la géographie physique du lieu (Del Biaggio, 2020). Cette conférence se propose de revenir sur le processus de fabrication de ce régime frontalier et de présenter les résultats d’une recherche menée par l’association Border Forensics en collaboration avec l’association Tous Migrants et à laquelle Cristina Del Biaggio a participé. La recherche a consisté dans la reconstitution des événements qui ont mené à la mort, en mai 2018, de Blessing Matthew, une exilée d’origine nigériane, dont le corps a été retrouvé dans la rivière de la Durance, bloquée par la retenue d’eau d’un barrage dans les Hautes-Alpes françaises.
Cristina Del Biaggio, géographe et maîtresse de conférences à l'Université Grenoble Alpes et au laboratoire PACTE, s'intéresse aux enjeux géographiques, politiques et sociaux des migrations. Ses recherches se focalisent aujourd’hui sur les enjeux du franchissement des frontières alpines par les exilé·es. Elle s’intéresse également aux formes locales et citoyennes de l’accueil d’exilé·es ainsi que de leur structuration en réseaux aux échelles nationale et translocale.

Jeudi 20 octobre 2022
Léa Sallenave
"Quitte un peu le quartier!" Entre injonction à la mobilité et tensions dans la mobilité en montagne.

Cette communication s’appuie sur un récent travail de thèse consacré à l’éducation populaire en montagne et aux rapports de domination dans les espaces de "nature". D’inspiration ethnographique, la recherche a croisé plusieurs méthodes qualitatives pour étudier un dispositif municipal grenoblois emmenant des jeunes de quartiers populaires en montagne. L’analyse a porté principalement sur la distance symbolique aux espaces alpins et les effets de frontière ressentis, ainsi que sur les places négociées de chacun·e dans ces espaces récréatifs. Comment et pourquoi susciter davantage de mobilité en montagne chez un public perçu comme éloigné des activités physiques de pleine nature? Comment les mobilités d’individu·es minorisé·es questionnent les partitions et les identités territoriales de "l’ici urbain" et de "l’ailleurs naturel"? Cette communication propose de montrer pourquoi aller en montagne, une destination a priori ouverte à tous·tes, ne relève pas de l’évidence et en quoi s’y rendre contribue à révéler les multiples rapports de domination qui façonnent et produisent identités et mobilités. Elle permettra de montrer en quoi une entrée par les enjeux de mobilité vers/en montagne depuis les quartiers populaires permet d'éclairer le rapport différencié et inégal aux espaces récréatifs.
Léa Sallenave est docteure en géographie de l’Unige et de l’UGA. Elle a soutenu la thèse suivante: "Quitte un peu le quartier!": gravir les sommets avec l’éducation populaire. Ethno-géographie d’une jeunesse minorisée en montagne. Elle est actuellement post-doctorante sur le projet FNS "La didactique du paysage, enjeu citoyen" et chargée d’enseignement suppléante à l’IUFE.

Jeudi 27 octobre 2022
Garance Clément
Interroger les catégories de mobilité depuis les espaces frontaliers

Dans certains espaces frontaliers européens, se rendre dans le pays voisin pour travailler, étudier, se loger, se nourrir ou faire la fête sont des pratiques largement répandues et banalisées. Parce qu’il s’agit à la fois de mouvements de proximité et de déplacements internationaux, ces pratiques invitent à repenser les catégories ordinairement utilisées pour décrire et classer les comportements de mobilité. À quelles expériences concrètes renvoient les "mobilités transfrontalières" européennes? Comment comprendre la relative indifférence dans laquelle se déroulent ces déplacements, au regard des vives tensions suscitées par d’autres mobilités et migrations internationales? À partir de deux enquêtes de terrain portant sur des situations économiques et politiques contrastées – les agglomérations lilloise et genevoise - cette intervention se déroulera en deux temps. Il s’agira d’abord de préciser les conditions sociales et spatiales dans lesquelles les individus sont amenés à circuler autour des frontières nationales, pour discuter ensuite des enjeux conceptuels que ces circulations soulèvent, en situant le propos au carrefour de la sociologie des migrations et de la sociologie urbaine.
Garance Clément est sociologue de l’urbain et travaille principalement sur les inégalités de logement, qu’elle a plus particulièrement étudiées dans le contexte des espaces frontaliers européens. Actuellement rattachée au Morgan Center (Université de Manchester) dans le cadre d’une bourse de recherche du FNS, elle démarre une enquête sur les revendications sociales et politiques autour du confort domestique.

Jeudi 3 novembre 2022
Jean-François Staszak

Les premiers tours du monde touristiques (1869-1914) : mobilité et géographicité

Dans les années 1870, du fait du bouclage matériel et symbolique du monde, il devient possible pour de riches voyageurs occidentaux de faire un tour du monde pour le plaisir. Les plus fortunés peuvent l’effectuer pour de vrai. Parallèlement se multiplient les dispositifs qui permettent à tout un chacun de faire le tour du monde virtuellement. Mon hypothèse est que cette nouvelle pratique touristique, actuelle ou virtuelle, atteste de la mise en place d’un nouvel apport au monde, de ce qu’on peut appeler un nouveau régime de géographicité, qui fait du globe - pour a première fois - une réalité dont on peut faire l’expérience grâce à de nouvelles formes de mobilité.
Jean-François Staszak est professeur ordinaire au département de géographie de l’Université de Genève. Au carrefour de l’histoire, de la géographie culturelle et des études visuelles, ses travaux récents portent sur l’articulation de l’exotisme et de l’érotisme, aussi bien dans le domaine du cinéma que dans celui de l’urbanisme colonial et du tourisme, essentiellement en France, aux Etats-Unis et au Maghreb.

Jeudi 10 novembre 2022
Semaine de lecture


Jeudi 17 novembre 2022
Estelle Sohier
L’image photographique en partage des luttes anti-coloniales ou les chemins de traverse du National Geographic Magazine, de l’Éthiopie aux Amériques

Cette conférence présentera les résultats d'un travail collectif connectant l’histoire de l’Éthiopie, des États-Unis et des Caraïbes, à travers la circulation dans l’espace et le temps d’un numéro du National Geographic présentant un reportage photographique du couronnement de Hailé Selassié à Addis-Abeba en 1930. « Puissante voix » médiatique du 20ème siècle, ce mensuel illustré a été décrit comme le média le plus influent pour donner aux Américains à imaginer et à comprendre le monde. En prêtant attention à la circulation des médias, à la fluidité du sens d’une image, et aux rapports de force traversant la période coloniale, nous montrerons néanmoins comment certaines images ont encouragé des communautés assujetties à s’affranchir tant des distances spatiales que des frontières culturelles et politiques pour bâtir des récits alternatifs à la vision du monde dominante.

Estelle Sohier est professeure associée au département de géographie et environnement de l’Université de Genève. Ses recherches se situent à l’intersection de la géographie et de l’histoire culturelles. Elle a notamment publié Fred Boissonnas et la Méditerranée. Une Odyssée photographique, Paris, Editions de La Martinière, 2020, également traduit en grec.

Jeudi 24 novembre 2022
Giada Peterle
Graphic mobilities: moving (with) comics as a research practice

This presentation proposes an interdisciplinary perspective on ‘graphic im/mobilities’ considering comics both as a mobile research practice and as agents that produce mobility. Indeed, like in other cultural representations, in comics, mobility is both experienced and thought, practiced and embodied (Cresswell 2006). Thus, we should consider both the meanings and practices of mobility that are connected with the contents and forms of graphic narratives. Moreover, comics permit us to conduct mobilities research differently, moving with the object of our research, mobilising meanings, but also our perspective and bodies in unpredicted ways. Drawing on the original geoGraphic story Lines. Moving with stories of public transport in Turku I have realised for the project PUTSPACE – Public Transport as Public Space in European Cities, together with other empirical examples, the paper further explores the research practice of doing comics from a both autoethnographic and mobile perspective. It analyses how comics permit us to explore multi-layered perceptions of time-space, and to access mundane, intimate, affective, and emotional aspects connected to everyday mobilities. Comics narratives move authors/readers by proposing unexplored affective itineraries whose effects are performed beyond the frame of the page.
Giada Peterle is a graphic artist and cultural geographer working at the University of Padua, where she is also Scientific Director of the Museum of Geography. She works on narrative geographies, graphic mobilities, and art-based practices in the geohumanities. Comics as a Research Practice: Drawing Narrative Geographies Beyond the Frame (Routledge 2021) is her last authored book.

Jeudi 1er décembre 2022
Yvonne Riano
Résister aux frontières fermées : mobilité transfrontalières informelles des Colombiens vivant entre la Colombie et le Vénézuela

A la frontière entre la Colombie et le Vénézuela le pont Simon Bolívar, long de 300m, relie les villes de Cúcuta et San Antonio. Pendant des décennies, les habitants de ces deux villes ont tissé des liens étroits d'amitié, de parenté, de commerce, de circulation, et d'habitation. Un espace social transnational reliant les deux villes a ainsi émergé, où la frontière politique a peu d'importance. Cependant, ces dernières années, le gouvernement vénézuélien a exercé ses pouvoirs territoriaux pour interdire les passages transfrontaliers le long du pont afin d'inclure ou d'exclure les populations "désirables" ou "indésirables". Ainsi, en 2015, des milliers de familles colombiennes, attirées au Venezuela par les politiques sociales de Chavez et qui avaient fui l'insécurité colombienne, se sont alors retrouvées violemment expulsées de leurs maisons par l'armée vénézuélienne et forcées de retourner en Colombie. Depuis la fermeture de la frontière officielle, de nombreux Colombien.e.s et Vénézuélien.e.s continuent cependant de traverser cette frontière, de manière informelle,  ce en dépit du danger des groupes armés illégaux qui contrôlent le territoire et menacent les passants qui ne suivent pas leurs règles. Cette présentation examine ainsi comment les formes dominantes de territorialité sont contestées par les mobilités transfrontalières informelles des migrant.e.s colombien.e.s expulsé.e.s et discute des implications en termes de survie et de droits humains. Elle se base sur un travail ethnographique, des ateliers participatifs Minga, des cartes mentales et des entretiens biographiques avec 30 personnes.

La conférence sera suivi de la projection du documentaire "Tisser des fils entre les frontières" produite par Yvonne Riaño, et realisé en cooperation avec Germán Arango, filmaker colombien, et avec l'appui de Ana Teresa Castillo, Association Deredez à Cucuta (Colombie) qui illustre les expériences de l'une de ses habitantes.

Yvonne Riaño, est professeure associée à l'Institut de géographie de l'Université de Neuchâtel et responsable de projet au nccr on the move. Ses travaux portent sur les inégalités sociales dans la migration et elle s'intéresse aux politiques migratoires et à leurs effets sur les expériences vécues de la migration à partir d'une perspective intersectionnelle.

Jeudi 8 décembre 2022
Vincent Kaufman
Sortir de l'injonction aux mobilités réversibles

En matière de mobilité, de nombreux travaux de recherche montrent qu’un monde prisonnier des déplacements rapides, lointains et fréquents ne pourra être ni durable ni même inclusif. Sortir de cette situation implique de reposer quelques fondamentaux en sachant prendre en compte les limites planétaires pour ne plus continuer à les dépasser. Dans cet esprit, l’exposé abordera les trois questions suivantes: Comment concevoir la mobilité pour la penser comme un bien commun, détachée des seuls déplacements? Comment déployer des politiques de mobilité qui puissent être véritablement inclusive? Comment imaginer une mobilité du futur qui serait véritablement durable?
Vincent Kaufmann est professeur de sociologie urbaine et d’analyse des mobilités à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Depuis 2010, il est en outre Directeur scientifique du Forum Vies Mobiles, un institut de recherche et de prospective basé à Paris. Ses travaux actuels portent sur la mobilité et ses liens avec la transformation des sociétés contemporaines et de leurs territoires.

Jeudi 15 décembre 2022
Marylène Lieber
Genre et espace public à Genève

Quand on évoque la notion d’espaces publics, il est bien sûr question de l’espace extérieur au domicile, un espace commun qu’on traverse pour aller travailler, qu’on occupe quand on sort seule, avec des ami·es ou des enfants, ou qui offre de nombreuses ressources en termes de loisirs, d’activités culturelles, sportives, festives ou de consommation. Les espaces publics sont-ils ouverts et accessibles à toutes et tous? Leurs usages favorisent-ils une citoyenneté inclusive ou (re)produisent-ils au contraire des formes de stratification sociale? Les femmes peuvent-elles se mouvoir en toute liberté à Genève? Le peuvent-elles toutes de la même façon? Telles sont les questions qui ont guidé cette enquête qui visait à produire des données qualitatives sur les pratiques qu’ont les femmes des espaces publics genevois.

Marylène Lieber est sociologue, Professeure en études genre à l’Université de Genève. Ses travaux portent principalement sur les violences de genre dans les espaces publics, notamment sur leur prise en charge ambivalente par les politiques publiques. Elle a travaillé également sur les migrations chinoises, en particuliers sur un groupe de travailleuses du sexe à Paris. Plus récemment, ses travaux questionnent les articulations entre violences de genre, espaces publics, sexualité et trajectoires migratoires.

Jeudi 22 décembre 2022
Séance de clôture réservée aux étudiant·es