Conflits et liberté d’expression, position de l’UNIGE

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L’attaque terroriste subie par Israël le 7 octobre 2023, le cycle de violences qu’elle a déclenchées et les bombardements intensifs sur la bande de Gaza suscitent des réactions horrifiées dans le monde entier. Les violations manifestes du droit humanitaire international se multiplient de façon inquiétante. Elles caractérisent aussi de nombreuses crises auxquelles la communauté internationale est confrontée, de l’Iran au Nagorny-Karabakh, de l’Ukraine à l’Afghanistan ou au Moyen-Orient. Nous les condamnons fermement et elles doivent cesser au plus vite.
La crise que traverse le Moyen-Orient et les drames humains qui s’y déroulent fondent une indignation légitime, partagée au sein de notre communauté. A l’analyse politique nécessaire, qui interroge les fondements historiques, économiques, légaux et sociétaux de cette situation, se superposent des tragédies individuelles et des souffrances humaines qu’on ne saurait nier ou relativiser.
Dans ce moment particulier, l’Université se doit de réaffirmer l’importance de la liberté d’expression et du droit de toutes et tous à débattre, à faire valoir des arguments, à assumer des désaccords. C’est une condition nécessaire de la pensée académique, et plus largement du bon fonctionnement de nos démocraties. Face aux tensions et au durcissement des positions exprimées, cette liberté doit être encadrée par des principes clairs qui la protègent : rejet de toute forme d’appel à la violence, d’antisémitisme, d’islamophobie, d’atteintes à notre charte d’éthique et de déontologie.
Dans les limites énoncées ci-dessus, l’Université n’impose pas de grille de lecture, de ligne politique à laquelle seraient soumises les manifestations, quel qu’en soit le sujet. Elle crée les conditions nécessaires à un débat ouvert et respectueux. De très nombreux événements publics se tiennent dans nos murs, et le fait que l’Université les héberge ne signifie en rien qu’elle en partage les conclusions. Une telle lecture entrerait en contradiction complète avec les missions et les valeurs qui sont les siennes, comme avec la liberté académique dont jouissent ses membres.
Si elle accueille les voix de la cité et des associations – exposition demandant la libération des otages détenus par le Hamas ou exposition sur l’histoire du conflit dans une perspective palestinienne –, l’Université apporte aussi sa contribution académique. Consciente de son rôle de « bâtisseuse de paix » comme toutes les universités dans le monde, elle s’attache à appréhender, analyser et comprendre les multiples dimensions des relations internationales et promeut une réflexion critique et humaniste. Elle le fait au travers des rendez-vous qu’elle propose à la cité, par exemple dans le cadre de la semaine des droits humains, ou au travers de l’expertise qu’apportent les membres de sa communauté.
Toutes les questions doivent pouvoir être posées à l’Université, y compris – surtout, peut-être – lorsqu’elles touchent à des situations complexes qui exigent des éclairages multiples. Cette liberté entraîne des désaccords et des inconforts qu’il faut accepter. La forme revêtue par les événements ou prises de parole – tout comme le contexte dans lequel ils se déroulent – doit toutefois prendre en compte les sensibilités des membres de la communauté universitaire, protéger leur droit à un environnement de travail et d’étude sain, dans lequel ils et elles peuvent évoluer sans craintes et sans menaces. Les personnes victimes ou témoins d’actes ou de paroles contraires à ces principes peuvent s’adresser à la cellule respect. Des consultations psychologiques et des conseils santé gratuits sont également disponibles pour les étudiant-es affecté-es par ce conflit, auprès du service santé des étudiant-es.
Entre liberté d’expression et respect dû à toutes et tous, le chemin est étroit. Les projets doivent être évalués, ré-évalués parfois, à l’aune des troubles qu’ils suscitent et des atteintes volontaires ou non qu’ils portent à la cohésion de la communauté universitaire, tout en résistant au confort trompeur de la censure ou de l’auto-censure. Notre aptitude à remplir nos missions et à penser le monde en dépend.
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