Université de Genève - Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation - Sciences de l'éducation

 

LIFE

Laboratoire de recherche

Innovation-Formation-Éducation

 

Séminaire de recherche LIFE 2001-2002

L'ORGANISATION DU TRAVAIL SCOLAIRE


Notes de synthèse du séminaire du 28 novembre 2001

Michèle Bolsterli

Texte en discussion :

Etiennette Vellas
Une organisation du travail orientée par des objectifs- obstacles


En introduction, Etiennette Vellas a précisé le statut de son texte : il est en chantier et sera repris en fonction de ce qui va être discuté en séminaire. Une bibliographie, un correctif de la page 6 et un texte d'Astolfi (Conceptions de l'élève) ont été distribués. Le Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation (Nathan. Paris. 2000) circule avec la définition de J.-P. Astolfi sur l'objectif-obstacle.

 

1. Que nous dit le concept d'obstacle ?

Ce concept est à relier à tout ce qui a trait aux représentations et au sens du savoir ; il s'agit aussi de le rattacher à l'organisation du travail en cherchant à comprendre comment on s'y prend quand on l'utilise comme outil de gestion de modules d'apprentissage. L'obstacle se situe dans la pensée, dans les productions de l'être humain, dans l'environnement (contexte social et matériel), dans l'objet culturel et son histoire ; il est à considérer comme intrinsèque à l'acte d'apprendre et à l'évolution de l'humanité.

En référence à Bachelard, l'obstacle épistémologique est défini de manière dynamique avec la postulation qu'il va susciter une construction nouvelle de la pensée. Selon Astolfi, dans la perspective de la notion du conflit socio-cognitif, il faudrait être très attentif aux conditions à remplir pour que le temps de la confrontation suscite réellement un franchissement d'obstacle.

 

2. Modèle de transposition didactique du GFEN

Le modèle proposé (pages 4-5) est discuté par les participants (plénier = sens plein) :

S'il était répondu affirmativement à ces deux questions, on pourrait alors dire que les deux modèles ne sont pas antagonistes.  

3. Place des savoirs savants

Une discussion nourrie s'est engagée à partir du fait que les savoirs savants n'étaient pas pris en compte dans le modèle GFEN qui émane d'enseignants organisateurs d'un travail par objectif-obstacle, dans une démarche en réaction contre les prescriptions de la transposition didactique "classique", conséquence d'une prise de conscience de la pauvreté des contenus à enseigner. La question de savoir où sont les savoirs savants dans les programmes est posée : pour les uns, ils ne sont que nommés parfois et le plus souvent absents. Les programmes découpent le savoir en parcelles qui finissent par le faire disparaître en le remplaçant par des savoir-faire.

L'approche proposée vise à mettre les élèves face à des situations-impasses, afin de les rendre curieux, de les obliger à inventer, à créer, à devenir savants. Cette démarche suscite quelques réactions dont les suivantes :

4. Les balises dans le travail par objectifs-obstacle

Pour éviter les dérives possibles, il faut se donner des balises permettant notamment :

5. Les prescriptions des didacticiens et leurs effets

Les enseignants qui entrent dans les nouveaux objectifs genevois d'apprentissage se sentent souvent discrédités face à ce qui leur est prescrit : certains parlent de "barbarie douce" ou de "technicité" dont ils n'ont pas envie. L'institution qui impose ses programmes le fait, semble-t-il, sans tenir compte de la zone proximale de développement de l'enseignant.

L'exemple de la didactique du français avec son entrée par la typologie textuelle est utilisé pour illustrer les dérives que cette approche peut engendrer si elle ne s'accompagne pas d'une bonne maîtrise des critères de la production écrite et/ou si elle se rigidifie : s'en tenir uniquement au travail sur les types de texte présente le risque d'empêcher de s'inscrire dans des productions multiples et celui de tuer, chez certains élèves, l'envie d'écrire. Les découpages proposés dans les séquences didactiques renvoient à la faisabilité d'un discours qui pourrait s'avérer le dénaturer. 

6. Des programmes aux objectifs

Il y a le travail prescrit dans les programmes et le travail compris par les enseignants (lecture et traduction des programmes en activités) : ce qui vient "d'en haut" doit être interprété et c'est au niveau de cette interprétation que se produisent des glissements positifs ou négatifs. Parmi ces derniers, citons ceux qui peuvent être dus à un applicationnisme à la lettre :

Parmi les glissements positifs, on trouve :

 

7. Le travail en modules

A l'origine, l'organisation en modules a eu pour but principal de lutter contre le "zapping". Avec l'extension des décloisonnements, les écoles l'ont parfois perdu de vue et se sont plus centrées sur la gestion des structures et des activités y prenant place que sur les objectifs à poursuivre ; les conséquences ont alors pu être de travailler en groupes multi-âge, avec des horaires encore plus contraignants, tout en occultant la préoccupation de différenciation qui devait être sous-jacente.

Les trois écoles auxquelles Etiennette Vellas se réfère se sont au contraire donné les situations-problèmes comme principe organisateur des modules : c'est pour mettre en place des objectifs-obstacles prédéterminés que les modules ont été créés. Le travail en équipe des enseignants est une condition sine qua non d'un tel fonctionnement.

8. Des compétences de haut niveau pour des enseignants idéaux

En conclusion, quelques remarques personnelles reprenant des interventions faites lors du séminaire et quelques questions sur l'état actuel des enseignants.

Le choix "philosophique et politique" de professionnels tels que ceux auxquels fait allusion Etiennette Vellas est sans aucun doute à saluer, à encourager et surtout à reconnaître. Au vu de réactions de participants au séminaire, on pourrait se demander si le tableau décrit ne leur a pas laissé des doutes non pas quant à sa réalité mais quant à sa faisabilité dans un contexte tel que celui qu'ils connaissent. Il a en effet été dit combien certains enseignants sont loin d'avoir la possibilité ne serait-ce déjà que d'expliquer ce qu'ils font : comment alors vouloir les conduire vers une pratique aussi exigeante en compétences ?

Ne faudrait-il pas d'abord les aider à se poser la question des priorités ? Vouloir les orienter vers la création de situations avec "objectif-obstacle", n'est-ce pas courir le risque de les mettre en difficulté et nettement au-dessus des possibilités actuelles de certains d'entre eux ? On sait que leur demander de "réinventer la roue" a été une pratique courante, au mépris des acquis existants, et il serait regrettable qu'une telle approche entraîne de reproduire cela.

En revanche, l'enseignant qui est créateur, avec son équipe, de modules construits en utilisant les ressources à disposition, va se sentir à la fois concepteur et apte à conduire les apprentissages des élèves, grâce à la connaissance qu'il aura acquise des "dessous" de la tâche.

Si on part du postulat qu'on enseigne bien que ce qu'on a conçu, compris et travaillé, on adhère pleinement aux propositions d'Etiennette Vellas, encore faut-il s'interroger sur les savoirs des enseignants et sur leurs capacités à les développer encore. Si ceux qui travaillent ensemble et construisent des situations à partir d'objectifs-obstacles consacrent 90% de leur temps de préparation à la recherche du bon obstacle (Déclaration d'Yves Béal, Jongny 1998), on peut se demander s'il est réaliste de penser que tous les enseignants sont prêts à cela.

Il s'avèrerait donc nécessaire que "des pierres blanches marquant le chemin à parcourir" viennent s'insérer dans les programmes.


Version Word rtf de ce document

Retour au début - Textes et notes de synthèse - Page d'accueil du séminaire - Page d'accueil de LIFE