« Les écrivains protestants » (11 avril 1953)a b
Fils de pasteur comme les trois sœurs Brontë, Nietzsche, Herman Hesse, Pearl Buck, Curzio Malaparte et tant d’écrivains scandinaves, américains, allemands, anglais ou hollandais, mais le seul Roger Breuil en France, je me sens protestant non seulement par le hasard d’une origine, mais encore par ma formation, et enfin par mon adhésion des plus actives, dès l’âge de 25 ans, aux doctrines orthodoxes de la Réforme, à travers Kierkegaard et Barth.
C’est dire que le protestantisme ne saurait me « gêner » comme écrivain, ni plus ni moins que n’ont pu le faire mes appartenances à la Suisse comme destin historique, ou à la langue française comme moyen d’expression. Gênantes sont les données que l’on ne peut assumer, et celles-là seules.
Il est vrai, par ailleurs, que rien ne facilite une « carrière littéraire » en France pour un protestant qui se veut tel et qui, au surplus, n’est pas Français (Rousseau et Benjamin Constant vécurent avant le nationalisme). Mais la littérature mondiale, depuis un siècle, ne doit pas moins aux protestants qu’aux catholiques, aux orthodoxes, aux incroyants de toutes nuances. À l’isolement relatif du protestant en France, il y a mieux que des compensations sur le plan de la pensée de l’art et d’une vision plus large de l’humain, pour ceux qui se réfèrent à l’Écriture et à ses traductions liturgiques, sources du seul langage vraiment commun aux écrivains de toutes les langues et confessions dans le domaine occidental.