Orientation
Les mythes racontent le réel comme un événement permanent. Et leurs fables illustrent les drames réguliers de la vie affective et spirituelle, c’est-à-dire proprement humaine, tandis que les équations de la physique traduisent les structures de l’énergie considérée comme objective. Ces deux approches du réel, l’une dramatique et l’autre statistique, me paraissent également valables. Mais il se peut que la seconde se ramène un beau jour à la première, dont elle serait un cas particulier.
Les vrais mythes sont universels. L’histoire de Cendrillon peut être retrouvée chez les peuples les plus divers de tous les temps. (On en a réuni cent-trente-et-une [p. 10] versions.) Ces peuples n’avaient pas communiqué entre eux mais avec la réalité constitutive de notre condition humaine, profond trésor de formes dynamiques d’où remontent aux moments décisifs, quand nous sommes comme on dit remis en jeu, les archétypes de nos émotions les plus sincères et les plus surprenantes.
Enfin les mythes révèlent les thèmes communs de situations bien différentes en apparences. C’est ainsi que l’on découvre Don Juan dans le mouvement de la pensée de Nietzsche, le Supplice de Tantale dans un récit de Jean-Paul. De même nous appliquons les dictons et proverbes aux occasions variées de la vie quotidienne, identifiées par cette algèbre populaire. Et les prédicateurs ramènent l’actualité à tel verset de l’Évangile du jour, dont l’usage est alors mythique, au sens où je l’entends ici.
Il m’a semblé que le rapprochement de ces trois mots : mythe, événement, réalité, était de nature à orienter le lecteur mieux qu’un discours d’apparence méthodique mais qui aurait eu le tort, au seuil de cet ouvrage, de n’être pas lui-même fabuleux.