Capture_Herminjard_1785.pngLa coopération judiciaire, du XVIe siècle à nos jours

Troisième Journée d’étude Damoclès, Université de Genève, 21 février 2014

Organisation: Fabrice Brandli, Michel Porret

 Angle mort de la surenchère sécuritaire contemporaine sur fond de menace terroriste globalisée, la coopération judiciaire n’est pas l’argument privilégié des discours populistes xénophobes qui dominent le débat public et contestent les principes de l’État de droit. Horizon d’attente de la construction européenne en matière pénale (traité de Lisbonne, 2009), elle correspond pourtant à un ensemble de pratiques et de normes dont l’histoire est encore mal connue.

Dès la fin du Moyen Âge, la coopération judiciaire éprouve l’équilibre fragile entre l’affirmation de la souveraineté de l’État et la nécessité de la sécurité collective. Imperator in suo regno, dégagé de l’imbrication féodale des pouvoirs concurrents, le prince justicier – monarque absolu ou conseil républicain – exerce le droit de glaive sans partage ni limite sur le territoire de sa souveraineté assimilé au ressort juridictionnel. À cette conception traditionnelle des États souverains coexistant entre eux à l’état de nature répond l’exigence de « sûreté publique » selon l’idée que la société des princes ne se soustrait pas aux règles du droit, qu’il soit naturel ou positif.

Devoir mutuel conforme à la loi divine et naturelle (Jean Bodin), obligation impérative et universelle impliquant la réciprocité (Hugo Grotius), la coopération judiciaire est pensée à la croisée du droit pénal et du droit des gens lorsqu’il s’agit de préciser la compétence des magistrats et de définir juridiquement la frontière comme espace de démarcation, mais aussi de concentration et de circulation de la criminalité.

Dès le XIXe siècle, dans le cadre de la rationalité codificatrice, la multiplication des traités de droit pénal international atteste la persistance de la tension entre la construction de l’État-nation et l’aspiration à la sécurité collective. Au même moment, les conventions d’entraide et d’extradition forment les instruments du droit public contemporain qui se donne volontiers à voir comme la manifestation d’un ordre juridique international placé sous le signe de la civilisation et du progrès.

Du point de vue des pratiques, l’analyse des dispositifs (lettres rogatoires, signalements, passeports, etc.), et des réseaux de la répression criminelle transfrontalière (ministres, diplomates, magistrats, soldats, policiers) informent sur les usages de la frontière comme le lieu de l’interaction négociée, opposant sur la longue durée l’idéal de l’ordre pénal international au désordre de la frontière criminogène.

Avec la participation de: Thomas BAUSARDO (Paris), Fabrice BRANDLI (Genève), Yves CARTUYVELS (Bruxelles), Loraine CHAPPUIS (Genève), Lionel DORTHE (Lausanne), Elisabetta FIOCCHI MALASPINA (Gênes), Bernard LESCAZE (Genève), Robin MAJEUR (Genève), Muriel MARCHAL (Paris), Crystel MARTINEZ (Genève), Djoheur ZEROUKI-COTTIN (Saint-Etienne).

Accès à l'appel à contribution et au programme complet de la journée d'études

 

Illustration: « Note des frais payés à Bâle pour le prisonnier Herminjard, ce 23 novembre 1785 » (frais d'extradition), Archives d'Etat de Genève, P.C. 14744.