Atelier 2 : Savoirs et pouvoirs des éducateurs

Qui dicte ce qu’il faut connaître pour enseigner et former ?

L’éducation forme les êtres humains qui forment la société. Mais l’éducation est elle-même un fait social. Les éducateurs ne tombent pas du ciel : eux aussi doivent être éduqués, donc formés, et ils le sont par la société qu’ils sont supposés servir, donc par des choix politiques et des rapports de pouvoir qui orientent finalement les pratiques pédagogiques.

Mais qui tranche, en définitive ? Quel pouvoir fixe ce qu’il faut savoir pour être ou pour devenir un éducateur digne de ce nom ? L’expérience des acteurs et les travaux des chercheurs montrent un contrôle social grandissant sur le travail d’éducation, d’enseignement et de formation : les parents de certains enfants sont appelés à suivre des cours de parentalité ; les enseignants sont tenus de se professionnaliser ; leurs formateurs font des doctorats, sous la conduite de professeurs à leur tour évalués par leurs étudiants et encouragés à pratiquer une pédagogie universitaire enseignée par des spécialistes. L’obligation de compétence a une nette tendance à se généraliser.

Mais cette évolution peut d’autre part être contestée, surtout lorsqu’on est moins en situation de contrôleur que de contrôlé, d’évaluateur que d’évalué, bref : quand on est moins le dominant que le dominé. Si les éducateurs doivent de plus en plus souvent suivre eux-mêmes une formation, qui se placera au sommet de la pyramide, pour fixer leurs obligations ? Edgar Morin propose « que les éducateurs s’auto-éduquent [plutôt] eux-mêmes avec l’aide des éduqués ». Dans l’idéal, il faudrait donc que toute formation d’éducateur de tout niveau – celle des parents, des puériculteurs, des enseignants, des entraîneurs sportifs, des moniteurs de camps de vacances, des formateurs en entreprise, des proviseurs ou des recteurs – soit assumée collectivement, entre pairs, qu’elle mobilise le spectre interne des savoirs, des expériences et des qualifications des acteurs, et qu’elle se fasse aider des éduqués (ou de leurs représentants) dans chaque contexte. Un modèle bien convivial et consensuel a priori, mais auquel s’ajoute la plupart du temps l’intervention d’un commanditaire ou d’une hiérarchie, donc d’un pouvoir vertical et contraignant, lui-même soumis (bon gré, mal gré) à la pression d’acteurs sociaux trouvant intérêt à peser sur l’éducation.

Les trois questions posées durant cet atelier seront donc les suivantes : 1. Quels pouvoirs (idéologiques, politiques, économiques, etc.) pèsent objectivement, et de l’extérieur, sur la formation des éducateurs ? Ces pouvoirs sont-ils démocratiquement contrôlés, visibles ou pas, revendiqués ou non ? 2. Quelle part de contrôle les éducateurs exercent-ils eux-mêmes sur leurs savoirs et leur formation ? Quels sont les leviers, les obstacles, les limites de leur autonomie, professionnelle ou non ? 3. Si les éduqués sont une ressource extérieure de régulation, quel pouvoir ont-ils ou pourraient-ils avoir dans la formation de leurs éducateurs ? En quoi ce pouvoir compense-t-il ou renforce-t-il au contraire les contraintes extérieures et venues d’en haut ?

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