Soutenances 2023
Magali BOSSI
Directeur.trice : Jérôme David (Unige) / Emmanuel Lozerand (Unige et Inalco)
Date de la soutenance : 11.02.2023
Résumé : Cette thèse de doctorat, réalisée sous la direction du Prof. Jérôme David et du Prof. Emmanuel Lozerand, se situe à mi-chemin entre l’histoire littéraire et la morphologie comparée. Elle a pour objectif d’examiner les nombreuses appropriations du haïku en France, au cours de la première moitié du XXe siècle, tout en réinscrivant ces transpositions dans le contexte esthétique, littéraire, social et politique de l’époque : engouement pour le japonisme, sillage de Mallarmé et des Symbolistes, émergences des avant-gardes, choc de la Première Guerre mondiale… Ma recherche entend considérer le transfert transnational d’une forme poétique extrêmement brève, définie le plus souvent comme un petit poème japonais et porteuse en français de caractéristiques identifiables, mais inégalement modulées au cours de la période : versification en 5-7-5, présence d’une référence saisonnière (kigo) et d’une coupe induisant à la fois montage et surprise (kireji). L’analyse textuelle rapprochée du corpus permettra ainsi de mettre en évidence les différents glissements que le haïku a connu en France, au début du XXe siècle.
Magali Bossi est deuxième lauréate du concours MT180 ma thèse en 180 secondes: elle a présenté sa thèse sous le titre: Haïku et pizza: une affaire de mondialisation (vidéos sur ce lien).
Samaneh HONAR
Titre : La nouvelle liminale : l’écriture du non-dit chez Annie Saumont.
Directeur.trice : Nathalie Piégay
Date de la soutenance : 14.10.2023
Résumé : En construisant la notion du liminal, empruntée à l’anthropologie, cette thèse s’attache à démontrer un aspect spécifique de certaines nouvelles d’Annie Saumont, nouvelliste majeure de l’époque contemporaine dont les écrits prennent leurs distances par rapport à la forme canonique du genre. S’articulant autour d’une esthétique d’entre-deux, les écrits de de la nouvelliste décrivent les situations changeantes ainsi que les phases transitoires que connaissent les personnages dans un moment significatif de l’existence. Cette pratique entre en rapport avec le non-dit qui revêt différentes formes mimétique, rhétorique, typographique et narrative auprès de la nouvelliste et invite le lecteur à remplir les blancs et narrativiser le récit.
Géraldine MERET
Titre : Paroles sauvages. Le discours de l'Autre dans les récits de Maragnan (Brésil, 1614-1615).
Co-directeurs : Frédéric Tinguely (UNIGE) et Jean-Frédéric Schaub (EHESS)
Date de la soutenance : 25.03.2023
Résumé : Ce travail de thèse s’attache à étudier, à partir de l’Histoire de la Mission des Peres Capucins de Claude d’Abbeville (1614) et de sa Suitte par Yves d’Évreux (1615), ce que les récits de voyage peuvent nous apprendre des sociétés coloniales au seuil de la modernité. Il s’agit de montrer ce que ces documents, dans leur littérarité, révèlent d’une société en pleine mutation, où Amérindiens et Européens se côtoient selon des équilibres instables et sans cesse redéfinis. En menant une lecture rapprochée de ces récits relatant la fondation d’une « France Équinoxiale » au Nord du Brésil dans les années 1610, ce travail entend souligner l’intérêt des textes littéraires comme sources historiques et, inversement, mettre en évidence le riche potentiel du questionnement littéraire pour mieux connaître et comprendre les enjeux des sociétés de contact. Au-delà de sa dimension strictement linguistique, la traduction y est appréhendée comme un phénomène impliquant l’ensemble du processus colonial et de ses acteurs, et affectant le geste d’écriture et de représentation de l’Autre dans sa totalité. L’inscription de la parole « sauvage » est ainsi envisagée à la croisée des perspectives littéraire, historique et anthropologique.
Catherine PENN
Co-directeurs : Martin Rueff (UNIGE) et Laura Santone (Università Roma Tre)
Date de la soutenance : 03.07.2023
Résumé :Les études menées par l’équipe de l’Istituto per il Lessico Intellettuale Europeo e la Storia delle Idee ont montré que le lexique philosophique de Descartes a contribué à élargir l’aire sémantique du substantif «esprit» dans la langue française du XVIIe et du XVIIIe siècle. Sur la base de ces travaux et des recherches de l’équipe du Vocabulaire Européen des Philosophies, rédigé sous la direction de Barbara Cassin, nous nous proposons de vérifier si ce même lexique a eu un quelconque impact sur deux autres unités lexicales, «fantaisie» et «imagination». En proposant un modèle du siège de la pensée humaine qui rompt avec les théories aristotéliciennes des écoles, Descartes modifie les concepts d’anima et de mens, tout en attribuant également un nouveau statut à la faculté imaginative : d’indispensable qu’elle était dans la tradition précédente, elle devient, dans le système de pensée du philosophe, une faculté certes encore utile, mais qu’il faut placer sous la surveillance constante de l’«entendement». Face au changement de paradigme culturel qu’amènent avec eux les traités et les lettres de Descartes, publiés à une époque où la langue française est progressivement régulée, stabilisée, homogénéisée et instituée en tant que langue d’État par les trois premiers dictionnaires monolingues (qui paraissent entre 1680 et 1694), il nous a semblé intéressant de conduire une étude historico-sémantique consacrée à l’influence du lexique de Descartes sur la langue française du XVIIe siècle. Nous partons de l’hypothèse que la constitution de ce lexique philosophique a pu contribuer à la progressive différenciation sémantique de «fantaisie» et d’«imagination», une différenciation qui n’adviendrait qu’au XVIIIe siècle d’après une étude menée par Gérard Gorcy dans les années 1980. Le cœur de notre enquête consiste en une analyse textuelle systématique des occurrences des unités «fantaisie» et «imagination» et de leurs séries lexicales respectives dans les textes de Descartes écrits en français ou traduits en français sous sa supervision (qui paraissent entre 1637 et 1649), et dans la première édition des lettres du philosophe, publiée après sa mort par Claude Clerselier (entre 1657 et 1667). Nous comparons ensuite l’emploi que Descartes fait des unités avec leurs occurrences dans les premières éditions de deux ouvrages qui contribuèrent à diffuser certains éléments de la philosophie cartésienne à grande échelle : la Grammaire et la Logique de Port-Royal (1660 et 1662). Cette analyse textuelle est encadrée par une étude minutieuse des traitements et des emplois des unités étudiées dans les dictionnaires bilingues du début du XVIIe siècle, et dans les dictionnaires monolingues français de la fin du siècle. La recherche dans les textes lexicographiques vise à reconstruire approximativement, grâce à la comparaison des sources, l’aire sémantique des unités étudiées, et à identifier les traces éventuelles d’une influence cartésienne sur les représentations fournies.