Thèses

Soutenances 2022

Yasmine ATLAS                            

Titre : « L’Orient maîtrisé? Figurations de l’expertise chez les voyageurs François de La Boullaye-Le Gouz et Jean-Baptiste Tavernier (1650-1685) »

Directeur : Frédéric Tinguely

Date de la soutenance : 16.06.2022

Résumé :

À travers la question de l’expertise et la prise en compte des institutions en fonction desquelles certains récits de voyage sont susceptibles d’être façonnés, cette thèse réinterroge – hors du cadre binaire des « rhétoriques de l’altérité » – la relation entre observation empirique et représentation textuelle. Au sein du vaste corpus que voit naître le contexte de concurrence commerciale et inter-impériale dans l’océan Indien du second XVIIe siècle, les écrits de François de La Boullaye-Le Gouz (1623?-1667) et Jean-Baptiste Tavernier (1605-1689) présentent des indices particulièrement forts d’un rapport conscient au statut d’experts que ces voyageurs peuvent tirer de leur auctorialité. Ces indices tiennent à l’élaboration d’un ethos d’expert, dont la thèse met au jour les rouages, après avoir montré l’épaisseur féconde que peut restituer à certains topoï une histoire culturelle des voyages combinée à une analyse de la figure du témoin oculaire en tant qu’elle relève historiquement du domaine judiciaire.

 

Julien PRAZ                              

Titre : « Ecriture matérielle et expérience du style : vers une nouvelle définition de la subjectivité simonienne. L’univers imaginaire de Claude Simon : comprendre et ressentir »

Directeur : Nathalie Piégay

Date de la soutenance : 8.04.2022

Résumé :

Cette thèse propose une lecture de l’œuvre de Claude Simon fondée sur les principes de la critique de la conscience théorisée par Georges Poulet. Y sont également mobilisés le concept d’imaginaire matériel de Gaston Bachelard, la notion de paysage à laquelle recourt Jean-Pierre Richard et les outils de la critique stylistique pratiquée par Leo Spitzer. Par l’étude détaillée d’un corpus restreint et représentatif – Histoire, Les Géorgiques et Le Jardin des plantes – et en convoquant ponctuellement l’ensemble de l’œuvre, nous montrons que la conscience créatrice passe par trois états – trois paysages – dont les qualités et l’agencement constituent sa singularité. Premièrement, un besoin d’ordre la pousse à rechercher les moyens de se saisir de l’expérience par la compréhension du monde. Elle convoque alors tout ce qui lui permet de réduire par la pensée le foisonnement du réel. Deuxièmement, la reconnaissance de la vanité de cette tentative de saisie du monde par la compréhension conduit la conscience simonienne à s’abandonner à la sensation en produisant un imaginaire matériel dysphorique pléthorique dont la confrontation douloureuse l’amène à rêver à sa propre disparition. Troisièmement, la conscience fantasme sa renaissance par une rêverie sur la lumière d’où elle tire une euphorie momentanée. L’union entre le rêveur et la matière lumineuse par l’alliance d’un élan et d’une ouverture réciproques évoque la relation entre le monde et le sujet que décrit Maurice Merleau-Ponty grâce aux notions de chiasme et de chair. Quant à la poétique de Claude Simon, elle ne connaît des trois paysages de la conscience créatrice que le premier.

 

Francesco DEOTTO                              

Titre : « "Dans la clarté de l’utopie" : Miguel Abensour, Emmanuel Lévinas, Paul Celan, Jacques Derrida entre utopie, poésie et déconstruction de la souveraineté »

Directeur : Martin Rueff

Date de la soutenance : 18.02.2022

Résumé :

A partir de l’analyse des ouvrages de plusieurs philosophes et écrivains de langue française de la deuxième moitié du vingtième siècle, on vise à développer une conception détaillée et systématique d’un aspect sous-estimé dans le champ des études utopiques : le rapport entre utopie, poésie et souveraineté. Plus précisément on entend montrer comment, dans le monde contemporain, marqué par l’apparition des totalitarismes, la forme poétique peut – sous des conditions précises – constituer une ressource essentielle pour relancer l’utopie et sa vocation émancipatrice.

Cette démonstration conjugue deux mouvements. Dans un premier temps, il s’agit d’analyser dans les détails les travaux d’un des protagonistes du renouvellement actuel des études sur l’utopie, Abensour, et de confronter son approche avec celles plus communément utilisées par les spécialistes du domaine utopique. Abensour a le mérite d’avoir étudié le processus qui peut conduire l’émancipation à se retourner en son contraire, et d’avoir réfléchi sur certaines stratégies utilisées par des utopistes afin d’éviter un tel retournement. En ce sens, les articles où il défend l’exigence de libérer l’utopie du mythe et de la volonté de souveraineté constituent des points de repère neufs et stimulants. Pour être fidèle à cette exigence, et pour la penser dans toute sa radicalité, il faut toutefois – et c’est le deuxième mouvement de la thèse – la mesurer à la pensée d’autres auteurs qu’on ne peut pas considérer comme des utopistes au sens strict du terme, à savoir Lévinas, Celan et Derrida.

A travers ces deux mouvements, une constellation nouvelle émerge. Elle peut offrir un nouveau cadre de pensée à l’utopie, cadre dans lequel la poésie, la chose était inattendue, joue un rôle décisif. Cette thèse vise ainsi – en accordant une attention particulière à ces auteurs et au rôle de la forme poétique – aussi à offrir une meilleure compréhension de la position particulière occupée par l’utopie au croisement entre littérature, philosophie et politique.

 

Vajiheh ZAREI                           

Titre : « Entre page et toile : l’image. Deux poètes face à la peinture : Philippe Jaccottet et Pierre Chappuis »

Directeur : Martin Rueff

Date de la soutenance : 28.01.2022

Résumé :

L’intermédialité est de plus en plus convoquée dans les pratiques littéraires : le dialogue des arts est l’un des axes majeurs de la poésie contemporaine. Philippe Jaccottet et Pierre Chappuis, tous les deux poètes suisses romands, ont écrit sur des œuvres artistiques très diverses. L’art a toujours constitué, pour ces deux poètes, un espace où puiser la source de leur écriture. En retour, cette dernière a accompagné de nombreuses œuvres artistiques pour la plupart picturales. La multitude de leurs écrits sur l’art révèle cette interaction, qu’ils ont mise en œuvre, développée et enrichie tout au long de leur activité poétique. L’ouvrage posthume de Philippe Jaccottet Bonjours, Monsieur Courbet ainsi que les ouvrages de Pierre Chappuis tels L’invisible parole ou De l’un à l’autre en témoignent. Cette étude porte sur les rapports entre le verbal et le visible, le visible artistique en l’occurrence, dans les œuvres de ces poètes. L’écriture poétique, au contact d’une autre pratique non verbale, prend une nouvelle tournure : la faille qui sépare le langage de l’image est comblée par un type d’écriture sur l’art qui constitue effectivement l’objet de cette recherche dont les linéaments sont entièrement comparatifs sur divers plans : d’un système représentatif à un autre - le langage et l’image - d’un ouvrage à l’autre du même poète - le cas du triptyque de Chappuis s’inscrit également dans une analyse intertextuelle - et finalement d’un langage à l’autre - entre les deux poètes.

Dans cette perspective, ma réflexion s’est recentrée, dans l’œuvre de chacun de ces poètes, autour de plusieurs questions : quelles sont les modalités langagières par lesquelles ils élaborent un discours descriptif sur l’art ? Quelle est la place de l’écrit sur l’art dans leurs œuvres, et donc, quelle est la finalité et la fonction de ces écrits ? Et il s’est agi, enfin, de définir le genre de ce discours sur l’art. Pour répondre à ces questionnements, j’ai décidé de soumettre à une analyse stylistique détaillée les écritures sur l’art de Jaccottet comme celles de Chappuis afin de souligner la structure, l’évolution et la singularité de chacune d’elles. L’examen de la forme autant que celui du fond a été effectué dans le but de comprendre si ces écritures conservent leur aspect intrinsèque sans se transformer ou si elles se renouvellent au contact de chaque image artistique. Leurs écrits sur l’art deviennent ainsi un espace d’écriture non seulement sur l’image artistique mais également sur leurs approches poétiques comme sur celles du monde. 


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