Le projet

Rapport annuel HDL - Synergia

Rapport annuel Sinergia – HdL

Plan du rapport

1.    Herméneutique des Lumières : le projet et le travail d’une année
1.1.    Le projet et son actualité
1.2.    La constitution de l’équipe
1.3.    Les objectifs de la première année
1.4.    Le rôle de Fabrice Brandli

2.    Les temps forts d’HDL
2.1.    La conférence inaugurale de Denis Thouard le 1er décembre 2014
2.2.    Le colloque « Les langues de Sade »
2.3.    La Summer School « Penser, comprendre, interpréter la Chine (XVIIe-XVIIIe siècle)
2.4.    La participation à l’ISECS

3.    Les séminaires de recherche d’HDL

4.    Les journées d’études
4.1.    Les journées d’études du groupe A
4.2.    La journée d’études des groupes A et B
4.3.    La journée d’études du groupe D

5.    Les interactions avec d’autres groupes de recherche (le Groupe d’étude du XVIIIe siècle de la Faculté des Lettres de Genève, le Groupe Rousseau de l’ENS, la Société Jean-Jacques Rousseau)
6.    Les activités individuelles des membres du groupe Sinergia – cf. output. L’avancement des thèses
7.    La banque de données
8.    Nos projets pour la seconde année

 

1. Herméneutique des Lumières : le projet et le travail d’une année

1.1. Le projet Herméneutique des Lumières est né en 2013 de la rencontre de chercheurs partageant les mêmes convictions : les Lumières sont un objet historique et culturel qui divise la communauté scientifique et le public en raison d’interprétations trop divergentes qui prennent peu ou mal en compte la compréhension qu’elles eurent de leur propre déploiement ; elles offrent un terrain de recherche trop vaste et trop délicat pour être l’objet d’une seule discipline, elles sont appelées à jouer un rôle actif dans l’avenir des Humanités pour peu qu’on leur offre un centre. Ce projet pouvait s’appuyer sur une équipe soudée et convaincue ainsi que sur les forces vives attachées aux Lumières à Genève, ville de Voltaire et de Rousseau.

Ce projet s’inscrivait dans un contexte plus large où l’image des Lumières se trouve largement discutée dans l’espace public (universalisme des valeurs démocratiques, esprit politique de tolérance, laïcité). Mais aucun des requérants n’aurait pu penser que ces discussions prendraient la tournure dramatique que l’année 2015 allait nous révéler dans le fracas et l’horreur. Ainsi, alors même que le monde était ensanglanté par ces questions, nous construisions notre programme un œil fixé sur la signification contemporaine de nos débats. Un philosophe contemporain écrivait récemment dans un grand quotidien parisien : « Il est évidemment incohérent de se réclamer de la philosophie des Lumières tout en rejetant ses idéaux universalistes, cosmopolites et démocratiques ».

Or notre projet consiste précisément à élaborer un centre théorique qui permettra qu’on puisse parler des Lumières de manière respectueuse et inventive, utile et précise, et d’un centre géographique ensuite qui offrira la possibilité aux chercheurs de se réunir pour construire ce discours commun. Et ce centre théorique, c’est l’herméneutique : on a voulu que les Lumières fussent les filles armées du rationalisme cartésien, on a vu en elles une philosophie essentiellement politique, d’autres voulurent construire des Lumières libertines. On a confondu les marges et le centre. Pour nous, les Lumières sont bien celles de la raison, mais d’une raison compréhensive, élargie, accueillante à toutes formes d’altérité et de sensibilité. C’est une raison herméneutique qui implique à la fois examen sceptique et sympathie, rationalité et bienveillance. Ici se trouve le fondement du nouvel esprit de tolérance qui souffla de Bayle à Kant.

Centripète, Herméneutique des Lumières veut rapporter au centre des Lumières la raison élargie de l’herméneutique et ramener à Genève les chercheurs qui croient que les Lumières peuvent servir une certaine idée de la communauté et contribuer à une formation démocratique et équilibrée.

Centrifuge, Herméneutique des Lumières veut diffuser son entreprise et sa vision par tous les moyens que la technique moderne lui offre. L’étude des Lumières ne peut plus être confinée dans un seul pays, et pas davantage enfermée dans un seul département universitaire. Les Lumières (c’est la rigueur de l’image) sont appelées à se diffuser : à irradier. Mais pour irradier, il leur faut un centre.

C’est ce projet que le FNS a accepté de financer à compter du 1er octobre 2014.

1.2. La première année ne fut pas seulement une année de mise en place, mais de très riches activités.

Certes, elle a permis de mettre toute l’équipe au travail. Cette mise en œuvre s’est faite en deux temps – d’abord la constitution de l’équipe genevoise, ensuite la constitution de l’équipe bolognaise – ce léger retard étant dû aux exigences administratives de l’université de Bologne. Alors que les trois groupes genevois étaient en place dès le mois de décembre 2015, le groupe de Bologne fut constitué dès mai 2015.

Voici l’organigramme désormais complet d’Herméneutique des Lumières.


Requérant principal : Martin Rueff/ Responsable scientifique du projet : Fabrice Brandli

Groupe A : Editer les Lumières, requérant principal : François Jacob

Doctorants : Olivier Guichard (sujet de thèse : « Voltaire et les Jésuites », directeur de thèse : Martin Rueff) ; Capucine Lebreton (sujet de thèse : « La morale sensitive », directeur de thèse : Martin Rueff).

Groupe B : Lire les Lumières, requérant principal : Martin Rueff

Doctorants : Alicia Hostein (sujet de thèse : « Rousseau et la connaissance de l’amour une interprétation philosophique de Julie ou la Nouvelle Héloïse et de ses sources », directeur de thèse : Martin Rueff) ; Xavier Papaïs  (sujet de thèse : « Comprendre l’irrationnel, les Lumières et les limites de la raison », directeur de thèse : Martin Rueff).

Groupe C : Interpréter les Lumières, requérant principal : Mariafranca Spallanzani

Postdoctorants : Diego Donna ; Piero Schiavo.

Groupe D : Ecouter Les Lumières, requérant principal : Brenno Boccadoro

Postdoctorant : Guido Mambella.

 

1.3. Les objectifs que nous nous étions fixés pour la première année étaient l’organisation des séminaires de recherche et de journées d’étude pour les quatre groupes. Nous nous étions aussi engagés à organiser un colloque, une summer school et à participer aux rencontres internationales de l’ISECS à Rotterdam. Nous avions aussi annoncé la mise en place d’une banque de données d’HDL. A peu de choses près, ces objectifs ont tous été atteints.

1.4. Avant de rentrer dans le détail de ce plan je tiens à saluer avec la dernière énergie le rôle éminent jouée par Fabrice Brandli pendant cette première année. Il a été la cheville ouvrière scientifique administrative et technique de la plupart de nos rendez-vous. Il a su souder avec fermeté et douceur les équipes genevoises et son expertise scientifique s’est révélée très vite indispensable.

2. Les temps forts de HDL

2.1. La conférence inaugurale de Denis Thouard le 1er décembre 2014.

Le 1er décembre 2014 fut organisée une conférence de Denis Thouard, éminent spécialiste de l’herméneutique et de ses théories, auteur d’une œuvre décisive – indiquons ses dernières publications : L’interprétation, un dictionnaire philosophique (avec Christian Berner, Vrin, 2015), Herméneutique critique, Szondi, Bollack, Celan, (Septentrion, 2012), Herméneutique contemporaine (Vrin, 2011). Devant un public d’une centaine de personnes qui rassemblait à la fois des collègues de l’université, mais aussi des étudiants et des gens de la société civile, Denis Thouard a prononcé une forte conférence d’ouverture qui a suscité la discussion. En commençant par se demander si l’herméneutique n’était pas l’absente des Lumières, il a montré comment la critique sacrée, requise pour consolider la constitution d’une théologie biblique en milieu protestant, a conduit, par son évolution en méthode historique, à ruiner celle-ci au cours du XVIIIe siècle. L’historisation des Ecritures en efface la valeur normative qui justifiait leur lecture. La réponse à ce mouvement conduit à un retour à l’allégorie ou à la poésie. L’herméneutique générale se donne pour une théorie unifiée de l’interprétation comme mode de connaissance probable, mais son anticipation de rationalité en marque aussi la limite. Elle ignore notamment la contingence historique et tend à se déployer sur le fond d’une critique. Les prises de position de Thouard ont conduit à se poser une question de méthode – où chercher l’herméneutique des Lumières ?

2.2. Le colloque « Les langues de Sade » (27 et 28 février 2015)

Le titre que Philippe Roger et moi-même avions choisi pour ce colloque n’allait pas sans équivoques : Les langues de Sade. Par langues de Sade, il ne s’agissait pas de faire référence à l’organe du goût et du baiser, la langue, dont Sade, on le sait bien, a étendu les prérogatives – il en fait, conformément à une tradition aristotélicienne radicalisée par le sensualisme de son siècle qui a fait du toucher le sens le plus universel, le sens même du vivant, du se sentir vivant, Sade fait donc de la langue, rapide, voluptueuse, pénétrante, agile à tout orifice un des organes voluptueux du toucher. Par langues de Sade, nous faisions davantage référence à l’expression de Sade, ou pour reprendre les catégories du grammairien Louis Hjemslev, à « la substance et à la forme de son expression » que Hjemlsev oppose à la substance et à la forme du contenu.

Les langues de Sade : ou substance et forme de l’expression chez Sade. Si le XXe siècle a pris Sade au sérieux, c’est parce que des écrivains et des philosophes ont trouvé en lui une articulation d’une violence inouïe. Sade offrirait la conjonction unique d’une expérience du corps, d’une expérience du pouvoir et d’une expérience du langage ou discours. Sade était un écrivain – il fallait le prendre au sérieux parce qu’il contribuait à définir un espace autonome et souverain, affranchi de la langue commune et de ses exigences. Au moment de le présenter, Deleuze parle à propos de Sade d’un prodigieux exemple d’efficacité littéraire. Sade reliait en une synthèse nouvelle le pouvoir du corps sur le langage, le pouvoir du langage sur le corps, le langage du pouvoir et le langage du corps, le corps du langage et le corps du pouvoir. Cette fascination faisait de Sade le héros du langage.

Une formule de Foucault vaut ici pour toutes : « Sade parvient au bout du discours et de la pensée classique. Il règne exactement à leur limite » (Les mots et les choses, p. 224). Sade héros du langage : on reconnaîtra ici l’érotisme de Bataille, la phénoménologie du neutre de Blanchot, l’ontologie du langage de Foucault, les rêveries sur la représentation de Klossowski. Cette leçon est forte, mais elle peut troubler les lecteurs : Sade serait-il comme Raymond Roussel une pure machine de langage ? A tout le moins, ce n’est ni pour cela qu’il était lu ni pour cela qu’il avait été condamné. Quel était donc le ressort de cette promotion ? Cette réflexion est pertinente, elle a fait date – Sade était, avec Flaubert et Mallarmé, une des figures de l’autonomisation de l’espace littéraire. Et la différence avec Flaubert et Mallarmé tenait à ce que chez Sade le langage se reliait intrinsèquement au sexe et au pouvoir. Or cet héroïsme du langage est dangereux, car il se paie du même prix que l’exaltation philosophique de la grammaire pure : l’oubli de la langue et de la grammaire des langues. Alors que ces philosophes faisaient de Sade un opérateur de passage à la limite du fait même du langage, ils oubliaient les langues de Sade : la langue que Sade parle et lit, les langues que Sade parle et écrit, les langues dans lesquelles il devait être traduit et lu et parfois réécrit.

Ce colloque entendait enregistrer ce tournant : si Sade n’est pas seulement une figure limite d’écrivain, sis sur le bord du langage et de l’être, c’est qu’il est d’abord un écrivain qui se meut à l’intérieur de sa langue, et entre des langues. Moins le héros du factum loquendi (du fait qu’il y ait du langage, donc, des sujets parlants) que du factum linguae, du fait qu’il y ait la langue, ou du factum linguarum : du fait qu’il y ait les langues). Sade l’écrivain d’une langue, d’une diction, d’une syntaxe, d’une sémantique.

Le colloque fut divisé en trois temps : les langues de Sade (Chantal Thomas : « La langue dans Isabelle de Bavière » ; Marc Dumas : « Sade et la langue provençale de son époque » ; Martin Rueff : « La phrase de Sade » ; Philippe Roger : « Le phrasé de Sade ») ; les logiques de Sade ( Jean-Claude Bonnet : « La ‘grande boucherie’ » ; Guy Poitry : « Dévoiements sadiens » ; Daniela Gallingani : « Le lexique mécaniste de Sade »; Michel Porret : « Sade et la chaîne du pénal ») ; Sade en langues (pour l’allemand : Stefan Zweifel et Michael Pfeister, pour l’anglais : Will Mac Moran, pour l’espagnol : Lydia Vazquez, pour l’italien : Yves Hersant, pour le hongrois : Ilona Kovacs, pour le russe : Irina Okuneva, pour le chinois : Laure Zhang, pour le japonais : Kazuhiko Sekitani et pour l’arabe : Claire Savina). Ce colloque fut un beau succès public. Ajoutons qu’il fut un bel exemple de collaboration d’HdL avec la cité. Il fut conçu en accord avec la fondation Bodmer (qui offrait au même moment une exposition consacrée à Sade) et avec la Comédie de Genève où se jouait l’adaptation théâtrale de Français, encore un effort, dans une mise en scène d’Hervé Loichemol.

2.3. La Summer School « Penser, comprendre, interpréter la Chine (XVIIe-XVIIIe siècle) » ; 18-26 juin 2015

Nous avions fait un pari assez simple : s’il y a une herméneutique des Lumières (à savoir une théorie de la production et de la transmission de la signification, fondée sur la conviction que le sens n’est pas donné immédiatement et qu’il faut dépasser le rêve de l’immédiateté sémantique), si donc il y a une herméneutique des Lumières, elle a rencontré la Chine comme un défi et un programme. Un défi puisque la Chine présentait la double singularité d’être un objet herméneutique d’une densité sans pareille (ce n’est pas la figure de la nature comme pré-histoire ou post-histoire possible que l’Europe rencontre en Chine, c’est celle, sédimentée, raffinée et complexe de l’histoire) et d’être tout à la fois une civilisation du texte et une civilisation au cœur de laquelle le texte est à la fois soumis à répétition et variation par le commentaire, mais pas à l’herméneutique comme reconduction à un horizon de sens premier donné dans des grands textes dont le secret attendrait comme une réserve profonde la rencontre libératrice d’une subjectivité fondatrice. Nous qui venons après les immenses Mythologiques de Claude Lévi-Strauss, nous pouvons le dire sans ambages : comprendre l’autre, c’est comprendre comment la constitution du sens d’une civilisation est immanquablement la constitution d’une civilisation du sens. Nous autres spécialistes de la philosophie des Lumières, nous attendions beaucoup de la rencontre avec les spécialistes de la Chine : ce furent huit jours de découvertes, de surprises, d’étonnements féconds.

(1) Il est apparu à la suite de la première journée et des discussions avec François Jullien que les schémas trop massifs qui envisageraient les civilisations dans une opposition frontale, comme à illustrer une logique des contraires, achoppent sur le détail des reconstructions précises.

(2) La seconde journée fut consacrée au repérage de la construction du texte de Matteo Ricci et à ses efforts pour penser les conditions de possibilité d’une christianisation par acculturation et accommodation. Ce fut l’objet de la conférence de Matthieu Bernardt, mais le prof. Frédéric Tinguely nous montra le jour même que cette accommodation avait fourni à La Mothe La Vayer et au scepticisme moderne des arguments pour défaire le grand récit chrétien – deux thèmes émergeaient : la question de l’ancienneté de la Chine (qui défie la chronologie du Déluge), celle de la vertu des Chinois qui pose, au-delà de la question des athées vertueux, celle de la religion naturelle. Si la religion naturelle peut servir d’horizon à un renouveau du christianisme, elle peut aussi le rendre inutile. Car si la religion naturelle est un dénominateur commun sur lequel des rites viennent se greffer, qu’est-ce qui interdit de penser que la religion de Rome n’est pas un folklore de plus surajouté à cette strate universelle ?

(3) Ce fut bien d’universalité qu’il fut question au troisième jour – et d’universalité sensible. Comment la musique chinoise fut elle reçue ? C’est la question que s’est posée Xavier Bouvier. Elle défiait l’oreille européenne, mais elle obligeait aussi à revoir les catégories de naturalité musicale – que Rameau et Rousseau tiraient chacun dans un sens contraire : Rameau du côté des structures ontologiques d’une harmonie mathématique fondée dans l’être même et que l’oreille devait retrouver partout, Rousseau du côté des structures culturelles de l’émotion. Xavier Bouvier était accompagné de deux musiciennes

(4 et 5) Les quatrième et cinquième jours furent dominés par les trois conférences de Nicolas Standaert. Après une première leçon consacrée à l’examen de plusieurs paradigmes de la rencontre interculturelle, il proposa une double illustration de cette approche théorique : d’abord une étude de la migration, du transfert des images. Il étudia la manière dont la très ancienne culture chinoise de l’imprimerie s’est inspirée de l’iconographie de Nadal et l’a modifiée, adaptée, remise en circulation aussi. Ce n’était pas seulement une morphologie d’éléments qui se trouvaient repris, mais des codes et des syntaxes de la représentation – il fallait adapter les codes de la perspective de la Renaissance par exemple. Ensuite, il offrit une réflexion de haute volée sur la manière dont les jésuites avaient dû requalifier leur concept de religion pour rendre compte de ce qu’ils avaient vu en Chine. Une telle enquête permet de mesurer combien rencontrer c’est catégoriser, décatégoriser, recatégoriser. Or cette requalification herméneutique du phénomène religieux, on allait pouvoir la mesurer au regard de plusieurs configurations philosophiques.

(5) Ce fut d’abord Leibniz étudié par le professeur Franklin Perkins de l’université de Chicago. Il sut montrer comment l’intérêt de Leibniz (qui entretint une correspondance avec les jésuites des missions) pour la Chine ne tient pas seulement à des considérations religieuses ou morales, mais bien théologiques, métaphysiques et linguistiques. La manière dont les philosophes ont lu les missionnaires dit beaucoup de choses sur la manière dont les missionnaires ont lu la Chine et un des effets majeurs de cette summer school est sans doute d’avoir complexifié l’héritage jésuite lui-même : ses conditions, ses effets, sa portée.

(6/7) Mariafranca Spallanzani a suivi cette discussion de la philosophie occidentale avec les Chinois et les jésuites depuis l’extraordinaire La Peyrère jusqu’à Brucker. Chronologie, théorie de la connaissance, philosophie morale et politique, ce sont les trois portées sur lesquelles il faut lire ces échanges.

(7/8) Puis ce fut le tour de Voltaire et de Montesquieu : François Jacob et Jean-Patrice Courtois nous ont montré comment l’un et l’autre entretenaient avec la question des rapports bien plus intimes que la tradition ne l’avait laissé croire. La vision univoque doit laisser place à une vision raffinée, diversifiée, complexifiée. Une ample conférence de Jean-François Billeter a achevé en beauté l’expérience de cette summer school.

La fréquentation quotidienne de la summer school fut de 15 à 20 étudiants par jour. En plus des doctorants et postdoctorants d’HDL le public était constitué d’étudiants de l’université, de collègues de l’uni et de quelques curieux. L’événement a également permis d’ouvrir l’université sur la cité grâce à la collaboration avec la fondation Baur (Musée des arts d’Extrême-Orient) qui a organisé une visite guidée pour les participant-e-s de la summer school.

De l’avis de toutes et de tous, cette summer school fut un succès.

2.4.La participation à l’ISECS – 27-31 juillet 2015

Le mercredi 29 juillet, Brenno Boccadoro et moi-même avons pu présenter notre programme sinergia à Rotterdam devant un parterre d’experts internationaux.

Après une discussion générale sur les enjeux, j’ai proposé une conférence consacrée à « Kant et l’herméneutique » et Brenno Boccadoro s’est penché sur l’éclatement de la synthèse ramiste.

De mon côté il s’agissait de revenir sur le divorce qui séparerait la critique de l’herméneutique. J’ai procédé en trois temps pour démentir cette hypothèse. J’ai commencé par une approche systématique du statut de l’interprétation dans la philosophie critique en considérant comment dans les phases de la constitution des trois critiques on peut envisager l’activité herméneutique. Je me suis attardé sur la troisième critique pour me demander si le rapprochement ne doit pas davantage porter sur les actes du jugement que sur leur sujet : c’est peut-être la question du jugement qui permet de conjoindre critique et herméneutique. C’est alors que je me suis demandé s’il ne convenait pas de partir de cette doctrine du jugement pour tirer un ensemble de conséquences relatives aux règles de l’herméneutique.

Quant à Brenno Boccadoro, il a reconstruit le destin du ramisme en France. Au départ de l’aventure encyclopédique, l’épistémologie des Lumières se concrétise paradoxalement par une nouvelle synthèse : la tentative de Rameau de réduire tous les éléments du système harmonique à un seul et même principe. Un projet analogue - mutatis mutandis- avait été caressé par les auteurs de la Renaissance. Et les critiques que ce projet suscite en marge de l’Encyclopédie pouvaient revendiquer l’antécédent des querelles « fin de siècle » qui marquent la crise de l’unité stylistique de la Renaissance (Galilei-Zarlino, Artusi Monteverdi…). Mais, en 1722, le rêve d’une nouvelle synthèse entre art et science avait retrouvé une vigueur toute nouvelle dans le programme formulé par Rameau dans le Traité de l’Harmonie qui consistait à conjuguer théorie harmonique, mathématique et physique en un seul et même principe, plus « naturel », plus « scientifique » et plus « cartésien » que tout ce que l’induction des siècles précédents avait pu laisser imaginer de mieux en matière de théorie musicale. En un peu moins de trente ans, trop démesuré et édifié sur des fondements scientifiques trop fragiles, le nouvel édifice finit par s’effondrer sur ses fondations, victime de l’action corrosive du même esprit de système dont il s’était nourri. En 1755, dans les Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie, Rameau s’en était pris à Rousseau pour ne pas avoir écrit que l’accompagnement harmonique « représente le corps sonore ». Mais dans les écrits de ses adversaires encyclopédistes le mariage « de raison » imaginé par Rameau entre harmonie, mathématique et physique, se soldera par un irrémédiable divorce qui, dans les décennies successives, finira par livrer à une dérive définitive des continents scientifiques toutes les disciplines gravitant traditionnellement dans l’orbite de la musica speculativa. La musique se passera de la science, l’oreille de la raison, la théorie de l’harmonie.

La rencontre de Rotterdam fut aussi l’occasion de nouer des contacts avec des spécialistes de l’herméneutique du XVIIIe siècle et plus précisément pour le groupe A Catherine Volpilac-Auger et pour le groupe B Claire Fauvel.

3. Séances du séminaire de recherche HdL 2014-2015

Calendrier des séances de la première année (groupes de Genève)

2 décembre 2014, 18h00-20h00, UNIGE, salle SO 013. Groupes B et C :Séance animée par Mariafranca Spallanzani (réflexions sur les « Lumières radicales »).
 
27 janvier 2015, 18h00-20h00, UNIGE, salle SO 013. Groupe B :Séance animée par Martin Rueff

(« Herméneutique des Lumières : questions, problèmes, définitions »).

3 février 2015, 18h00-20h00, Institut et Musée Voltaire. Groupe A :Séance animée par François Jacob (« Éditer le théâtre de Voltaire »).

10 février 2015, 18h00-20h00, UNIGE, SO 013. Groupe B :Séance animée par Martin Rueff (« La profession de foi du vicaire savoyard : problèmes philologiques et herméneutiques »).

3 mars 2015, 18h00-20h00, UNIGE, SO 013. Groupes A et B :Séance animée par Martin Rueff et François Jacob (« Prolégomènes à une édition critique de l’Émile »).

31 mars 2015, 18h00-20h00, UNIGE, SO 013. Groupe B :Séance animée par Martin Rueff et Fabrice Brandli (interventions commentées d’Alicia Hostein et Olivier Guichard).

13 avril 2015, 18h00-20h00, Institut et Musée Voltaire. Groupe A :Communication d’Hervé Baudry (Universidad Nova de Lisboa) sur la bibliothèque du collège royal de La Flèche.

21 mai 2015, 16h15-18h00, UNIGE, A109. Groupes A, B et D : Séance animée par Martin Rueff et Fabrice Brandli (interventions commentées de Capucine Lebreton, Guido Mambella et Xavier Papaïs). État des lieux des activités du programme HdL (banque de données, colloque « Hermès philosophe », journée d’études de Bologne, Summer School sur la Chine, congrès de Rotterdam, divers).

Pause estivale

13 octobre 2015, 18h00-20h00, UNIGE, B214. Groupes A et B : Séance consacrée à la discussion des articles du numéro que la revue Critique (n°817-818 – juillet 2015) avait consacré à « Où en est l’herméneutique ? ».

Mardi 10 novembre 2015, Institut et Musée Voltaire, 18h30-20h00. Groupe A : Communication d’Emmanuel Vianès, « Les relations internationales de Voltaire ».

Séminaire de recherche du groupe C (Bologne)

Pendant cette première année 2014-2015, l’équipe de Bologne, à partir de sa constitution et de la progressive prise de service des chercheurs post-doc, a instauré dans le Département de Philosophie et Communication une modalité informelle de rencontres périodiques de ses membres pour la mise à jour et la discussion des recherches individuelles et leur intégration dans le projet collectif.

A ces rencontres ouvertes ont participé aussi quelques étudiants de licence et de master en philosophie de l’Université de Bologne, intéressés aux sujets de recherche du groupe. Parmi eux, on signale en particulier Gianmaria Beccari et Andrea di Biase, qui ont participé avec profit à la Summer School « Thinking, Understanding, Interpreting China » (Université de Genève, 18-26 juin 2015).

On signale aussi la collaboration scientifique de Marco Storni, doctorant en philosophie de l’ENS de Paris, qui travaille sous la direction conjointe de Sophie Roux (ENS de Paris) et de Mariafranca Spallanzani dans la perspective d’une cotutelle avec l’Université de Bologne.

4. Les journées d’études

4.1. Journées d’études du groupe A

4.1.1. « Editer Voltaire », vendredi 3 octobre 2014, Institut et Musée Voltaire

Organisation d'une journée d'études intitulée « Éditer Voltaire » et proposée en collaboration avec le Musée Voltaire de la Bibliothèque de Genève dans le cadre de la commémoration du soixantième aniversaire de la création de l'Institut et Musée Voltaire. Ont participé aux diverses tables rondes Mmes Catherine Volpilhac-Auger, professeur à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, Ulla Kölving, éditrice de Voltaire et Grand Prix de la francophonie de l'Académie Française en 1994, et MM. Andrew Brown, directeur du Centre International d'Études du dix-huitième siècle, Jean-Daniel Candaux, conservateur honoraire de la Bibliothèque de Genève, Olivier Ferret, professeur à l'Université de Lyon II et André Magnan, professeur émérite à l'Université Paris X Nanterre. M. François Jacob a quant à lui présenté, dans l'esprit des recherches menées au sein du groupe Sinergia Herméneutique des Lumières, une conférence intitulée « Voltaire en scène : prolégomènes à une édition critique de son théâtre ».

Les éditions en cours de la totalité des pièces de Voltaire aux éditions Classiques Garnier permettent de poser, au-delà de détails purement méthodologiques, les bases d'un questionnement de fond : le théâtre de Voltaire est-il, ou est-il seulement, tributaire de l'évolution du goût qui se dessine à l'époque des Lumières ? Y a-t-il d'ailleurs un théâtre des Lumières auquel Voltaire, attaché à la fois aux influences nouvelles, d'où qu'elles puissent venir, et à un art de la scène, voire à un lieu scénique dont Michèle Sajous d'Oria a récemment montré, dès le milieu du XVIIIe siècle, les transformations considérables, aurait donné l'impulsion initiale ?

Deux exemples précis, éloignés dans le temps (La Mort de César date de 1731 et L'Orphelin de la Chine de 1755) comme dans le style (Shakespeare est lisible dans La Mort de César et L'Orphelin de la Chine doit beaucoup à L'Orphelin de la Maison de Tchao) mais qui connaissent tous deux une destinée « posthume » des plus intéressantes (La Mort de César est rejouée, avec de nombreuses transformations, sous la Révolution, et L'Orphelin de la Chine fait l'objet d'une tentative de récupération politique en 1966, sous l'influence de Malraux) permettront d'examiner de quel sens est nécessairement revêtu le geste herméneutique, dès lors qu'il prend pour objet un texte en perpétuel devenir, soumis, dans ce qui est bien plus qu'une simple réception, à de continuelles recréations.

4.1.2. « Lumières numériques », vendredi 20 mars 2015, Institut et Musée Voltaire

À l’occasion de la journée d'études intitulée « Lumières numériques », les thèmes abordés touchaient naturellement à l’avenir des études dix-huitièmistes : les revues numériques qui traitent du XVIIIe siècle ont-elles développé certaines particularités ? Quel en est le spectre actuel ? Quels sont les thèmes retenus ? Certaines innovations récentes ne participent-elles pas d’un esprit peu ou prou « encyclopédique » ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre une dizaine de spécialistes parmi lesquels Jean-Christophe Abramovici, professeur à l'Université Paris IV Sorbonne, Alain Jacquesson, ancien directeur de la Bibliothèque de Genève, et Sylvain Wenger, assistant à l'Université de Genève.

4.1.3. En collaboration avec la Société Jean-Jacques Rousseau, journée consacrée au Swedish Rousseau Project, vendredi 10 et samedi 11 avril 2015, Institut et Musée Voltaire

Le Swedish Rousseau Project est un groupe constitué en 2014 à Stockholm et destiné à concevoir une série de publication sur la réception de Rousseau dans les pays scandinaves. La rencontre genevoise a principalement porté sur le Discours sur les sciences et les arts et le Discours sur la vertu du héros.

Y ont participé, outre les membres de l'équipe HDL : Elena Dahlberg, PhD en 2014 en études latines, Université d'Uppsala ; Stefan Ekman, PhD en littérature comparée ; Erik Eliasson, PhD en philosophie, Université d'Uppsala ; Maria Gullstam, doctorante en études théâtrales au Département de musicologie et des arts de la scène à l'Université de Stockholm ; Roland Lysell, professeur de littérature comparée à l'Université de Stockholm ; Elisabeth Mansén, professeur d'histoire moderne à l'Université de Stockholm ; Marianne Molander Beyer, PhD en littérature française, assistante au Département d'études pédagogiques de l'Université de Göteborg ; Jennie Nell, PhD en littérature comparée, chargée de recherche à l'Université de Stockholm etenfin Per Nilsén, professeur associé à la Faculté de droit de l'Université de Lund.

4.2. Journée d’études du groupe A et du groupe B

Journée consacrée au Manuscrit Favre de l’Emile en collaboration avec le Groupe Rousseau de l’ENS de la rue d’Ulm, Institut et Musée Voltaire, 13 et 14 mars 2015.

Programme

Vendredi 13 mars

16h00 Accueil : Martin Rueff et François Jacob

16h15 Réflexions sur l’article de Bruno Bernardi, « Lire et éditer Rousseau. Genèse des textes et invention conceptuelle » : Martin Rueff

16h45 « Editer les Rêveries » : Alain Grosrichard et François Jacob

17h15 « Le concours de la religion » (Ms G) : Jimmy Swenson

17h45 « Les principes du droit politique dans le Ms Favre de l’Émile » : Bruno Bernardi

18h15 « Sur quelques variantes » : Martin Rueff

18h45 Discussion conclusive

Samedi 14 mars

9h00 Introduction : Martin Rueff

9h30 Séance de travail sur le Ms Favre

13h00 Conclusions

4.3. Journée d’études du groupe D

Le  22 mai 2015, le groupe D a organisé une journée d’études consacrée à la théorie ramiste (Université de Genève B 212 a Université de Genève, Uni Bastions, salle B212, 9h00-16h00).

Programme 

9h00. Mme Nancy Diguerher : « Les manuscrits préparatoires de la Démonstration du principe de l’harmonie : préludes à une réception toute en contrastes de la théorie de Rameau ».

10h00. M. Lorenzo Santoro: « Music and Emotions in the European Enlightenment : Politics of Transfert and Orthopraxis of Musical Performativity in Italy, Switzerland and Germany. 1700-1789 ».

11h00. M. Guido Mambella :  « Rameau post mortem. Un état de la question ». 

12h00. Pause

13h30.  M. Martin Rueff.  « A coups redoublés : anthropologie des passions et doctrine de l'expression chez Jean-Jacques Rousseau ».

14h30. Brenno Boccadoro. « ‘Un germe inné de l’harmonie’. Rameau et les affects ».

5.Les interactions avec d’autres groupes de recherche (le Groupe d’étude du XVIIIe siècle de la Faculté des Lettres de Genève, le Groupe Rousseau de l’ENS, la Société Jean-Jacques Rousseau)

Le groupe Sinergia HDL a pu tisser lors de cette première année un ensemble de relations fructueuses avec d’autres groupes spécialisés dans l’étude des Lumières.

C’est le cas du Groupe d’étude du XVIIIe de l’université de Genève (créé par Bronislaw Bazcko et Jean Starobinski) et que j’anime désormais avec Michel Porret. Ce groupe se réunit une fois par mois et permet d’inviter des chercheurs qui étudient le XVIIIe siècle d’un point vue historique, philosophique littéraire ou artistique. Les doctorants d’HDL ont pu assister à ces séances de manière active.

De la même manière, une convergence existe entre la Société Jean-Jacques Rousseau (fondée en 1904) et Herméneutique des Lumières. Elle passe par les hommes puisque Fabrice Brandli est le secrétaire général de la Société et que je préside désormais son comité après que François Jacob a assuré cette fonction de 2012 à 2015.

Enfin, nous avons pu nouer de vrais contacts avec le Groupe Rousseau de la rue d’Ulm – groupe animé par Bruno Bernardi, Jimmy Swenson, Frédéric Brahami. Nous avons invité le Groupe Rousseau à venir étudier le Manuscrit Favre de l’Emile à l’Institut et Musée Voltaire lors d’une séance de travail fructueuse.
 

6. Les activités individuelles des membres de l’équipe HDL

 
Pour l’ensemble des activités individuelles nous renvoyons aux fiches remises par chacun et présentées dans la section outputs. Nous nous contentons ici de quelques généralités.

a) Pour les requérants, et pour notre secrétaire scientifique, on peut faire état d’une trentaine de publications sur l’année parmi lesquelles on peut indiquer la publication par François Jacob de son Voltaire chez Gallimard, la publication de mon volume Radical Separado à Buenos Aires, et de nombreuses éditions – celles de Fabrice Brandli, déjà repérées, ainsi que L’Archéologie du Savoir dans la Bibliothèque de la Pléiade.

b) Pour nos candocs, on peut souligner avec satisfaction que chacun a proposé un mémoire de prédoctorat :

- Capucine Lebreton a proposé le premier chapitre de sa thèse consacré à la « Morale sensitive chez Rousseau ». Ce premier chapitre porte sur le médecin Lacaze. J’extrais ces lignes de l’introduction :

« Dans la morale sensitive, c’est l’articulation d’une position morale et d’une méthode médicale qui donnent naissance à une position originale : un perfectionnisme moral par des moyens physiques. Le concept de morale sensitive est donc à la fois intéressant comme point de vue sur le corps et parce qu’il constitue une refonte du problème moral de la maîtrise de soi ; mais surtout parce qu’en se situant à la croisée de la médecine et de la morale, c’est toute la vision de l’être humain qu’il engage. »

- Xavier Papaïs a proposé un chapitre de sa thèse : « Scission et unité de l’expérience : les principes d’une herméneutique sceptique » dont je cite ici quelques lignes d’introduction :

« Hume installe d’emblée l’herméneutique au principe de toute sa pensée. Si l’esprit humain est scindé entre deux modes d’appréhension et d’apparition, si dans ce clivage, il ne peut se saisir directement, ni se comprendre en transparence, mais se meut toujours dans l’espace d’un écart entre ces modes, la nature humaine est d’abord, tout entière, une activité d’interprétation qui tente de symboliser ce qu’elle peine à comprendre. »

- Olivier Guichard a donné l’introduction de la première partie de sa thèse consacrée à « Voltaire et les Jésuites ». Ce chapitre s’intitule « Catéchismes » :

« Pour peu qu'on sache décloisonner une recherche bien souvent circonscrite au champ littéraire et l'inscrire dans ce moment si particulier constitué par une éducation chez les jésuites à la fin du règne de Louis XIV, les années de formation de François-Marie Arouet sont bien mieux renseignées qu'il n'y paraît. L'analyse critique des quelques fonds d'archives afférents, des écrits pédagogiques contemporains, des témoignages rétrospectifs, permet de mieux cerner dans sa précocité, mais aussi dans sa fragilité, l'adolescent que fut le pensionnaire du collège Louis-le-Grand. Devenu célèbre sous le nom de Voltaire, celui que ses camarades vouvoyaient et appelaient par son nom « Arouet » est bien plus disert qu'il veut nous le laisser croire. À sa façon, elliptique dans ses œuvres, allusive dans sa correspondance, Voltaire ne se départit jamais complètement d'une éducation qui fut, malgré ses défauts, lamatrice de son œuvre. »

- Quant à Alicia Hostein elle a avancé dans la troisième partie de sa thèse.

7. La banque de données

Nous nous étions engagés à créer une banque de données – elle est prête et sera consultable à partir de la première semaine de janvier 2016. Elle comportera pour commencer une série de fiches d’instruments herméneutiques pour l’approche des Lumières. Ces fiches sont disponibles. Elles émanent de la totalité des membres de notre groupe selon un schéma adopté collectivement. La banque de données abritera aussi la revue La chambre d’Echo au projet de laquelle nous travaillons.

8. Nos projets pour la seconde année

Du point de vue de nos candocs, la seconde année devra voir s’intensifier leurs publications. Par ailleurs nous prévoyons la publication de notre colloque Les langues de Sade.

Plusieurs journées d’études sont prévues :

-        La fortune de Rousseau en Suède (François Jacob et Martin Rueff, en collaboration avec Jennie Nell)

-        La causalité en histoire (avril 2016 – Fabrice Brandli, Xavier Papaïs et Martin Rueff)

-        Le corps social (octobre 2016 – Capucine Lebreton)

-        Herméneutique juridique (novembre 2016 – Martin Rueff, Fabrice Brandli)

Mais surtout 2016 verra la réalisation de deux gros colloques qui scelleront mieux encore notre synergie.

Hermès philosophe

15-16 avril 2016

Préprogramme

Hermès Philosophe : signification et interprétation dans la philosophie des Lumières

Organisation : Fabrice Brandli et Martin Rueff

Dans l’histoire de l’herméneutique moderne, on voudrait que les Lumières fussent un temps faible : c’est qu’elles affaiblirent les prestiges de l’autorité des textes. Cette critique est partagée par les partisans de l’herméneutique phénoménologique d’inspiration heideggérienne (on pense surtout à Gadamer) ; on la trouve aussi chez Foucault.

Exclure l’herméneutique des Lumières, c’est commettre une double méprise : d’une part, c’est ne pas comprendre comment s’articulent si bien herméneutique et critique qu’on pourrait compléter la formule de Kant – « notre siècle est vraiment le siècle de la critique » par : « notre siècle fut vraiment le siècle de l’herméneutique » (préface de la Critique de la raison pure, 1781) ; d’autre part, c’est ne pas comprendre le rapport des Lumières et des romantismes et s’interdire de comprendre ce que les unes et les autres entendirent par herméneutique. C’est surtout se tromper sur la raison des Lumières et l’horizon de la compréhension qu’elles déployèrent – à la fois critique et participative, la raison des Lumières est compréhensive. Son inquiétude se fait jour partout : les puissances de l’irrationnel. Faut-il se rendre aveugles, aujourd’hui, à une raison inquiète de son autre ?

Encore faut-il chercher l’herméneutique là où elle s’est développée et non pas là où l’on sait qu’on ne la trouvera pas. Et si l’herméneutique moderne naissait moins de la canonisation de la littérature dont l’autorité remplacerait celle des Textes sacrés, que d’un nouvel horizon de la compréhension moins lié à l’autorité, mais à sa critique et au jeu des significations qu’elle permet d’ouvrir ? Nous essaierons de comprendre comment les philosophes furent herméneutes et comment Hermès devint philosophe. Nous nous interrogerons frontalement sur l’herméneutique des Lumières.

Vendredi 15 avril 2016

1.Les Lumières et l’interprétation

L’herméneutique littéraire : Jean Dagen

Herméneutique des Lumières et herméneutique contemporaine : Marian Hobson

Problème général de l’herméneutique : Francine Markovits

L’herméneutique juridique : Michel Porret/Fabrice Brandli

L’herméneutique biblique : Cristina Pitassi

L’herméneutique artistique : Jan Blanc

Samedi 16 avril 2016

2.Les philosophes et l’herméneutique

Leibniz herméneute : Michel Fichant

Diderot herméneute : Claire Fauvel

Rousseau herméneute : Martin Rueff

Hume philosophe : Xavier Papaïs

Voltaire herméneute : François Jacob

Montesquieu herméneute : Gabrielle Radica

Sade herméneute : Philippe Roger

La fonction herméneutique de l’animalité : Fabrice Brandli

Conclusion intermédiaire

Après une année de mise en place du projet, la seconde année devrait nous permettre d’adopter un rythme de croisière. Le travail du groupe D (Bologne) pourra contribuer à plein à nos activités et nous comptons beaucoup sur l’activité des doctorants et des postdocs. La Chambre d’Echo devrait donner un retentissement plus grand à notre travail.